Après la RD Congo le pape s'envole vers le Soudan du Sud le 3 février. Quel est ce pays qui s’est formé il y a à peine 12 ans après des décennies de guerre ? Quelques faits pour mieux comprendre les enjeux de ce voyage.
Le Soudan du Sud, enclavé entre les forêts tropicales africaines luxuriantes et des déserts arides, est frontalier du Soudan, de l'Éthiopie, du Kenya, de l'Ouganda, de la République démocratique du Congo et de la Centrafrique. Une position qui le rend dépendant de son voisin immédiat pour exporter sa principale ressource, le pétrole.
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Le Soudan du Sud est composé d’une mosaïque de peuples. Il compte plus de 60 groupes ethniques. La communauté la plus importante est celle des Dinka, devant les Nuer. Toutes deux sont installées depuis des siècles sur les bords du Nil Blanc, qui traverse le pays du sud vers le nord.
Une majorité de chrétiens
Environ 60% des quelque 12 millions de Soudanais du Sud sont chrétiens, héritage de missionnaires européens arrivé à la fin du XIXe siècle pour prendre pied dans la région face à l'expansion de l'islam vers le sud du continent africain. Près d'un tiers sont animistes ou suivent une autre religion traditionnelle, et une petite minorité sont musulmans.
Plus jeune État au monde
Le 9 janvier 2005, le Nord (à majorité musulmane) et le Sud du Soudan signent un accord de paix, après des décennies de guerre civile entre rebelles sudistes et Khartoum (1959-1972 et 1983-2005), qui ont fait des millions de morts.
Le 9 juillet 2011, le Soudan du Sud proclame son indépendance du Soudan, six mois après avoir voté par référendum sa sécession (près de 99% de oui).
Avec une superficie de 589.745 km2 (à peine plus grand que la France métropolitaine), le pays représente presque un quart de l'ancien Soudan. Nord et Sud se disputent toujours la province riche en pétrole d'Abyei.
Une atroce guerre civile
Deux ans après son indépendance, le Soudan du Sud bascule dans une guerre civile qui fera près de 400.000 morts et des millions de déplacés.
Les combats éclatent dans la capitale Juba le 15 décembre 2013 entre unités rivales de l'armée, minée par des antagonismes politico-ethniques alimentés par les dissensions entre le président Salva Kiir et son ancien vice-président Riek Machar, respectivement dinka et nuer. Le conflit s'étend rapidement dans le pays.
Cette guerre de cinq ans sera marquée par d'innombrables atrocités: massacres ethniques d'hommes, femmes et enfants, hommes châtrés, femmes et filles enlevées, réduites en esclavage et systématiquement violées, enfants égorgés ou jetés vivants dans des cases en feu...
Plus de 13.000 enfants ont aussi été enrôlés dans les rangs des différentes forces.
La guerre prendra fin officiellement par un accord de paix entre Kiir et Machar en septembre 2018, mais les tensions entre les deux frères ennemis perdurent.
Pauvreté et crise humanitaire
La majorité de la population sud-soudanaise vit dans la misère. Depuis 2013, 4,5 millions de personnes ont fui leur foyer (2,2 millions à l'intérieur du pays, 2,3 millions vers les pays voisins), selon l'ONU, jetées sur les routes par les violences politico-ethniques qui persistent dans le pays, mais aussi sécheresses et inondations.
En 2017, une famine avait été déclarée dans deux comtés du nord.
Depuis fin juillet 2022, environ un million de personnes sont affectées par des inondations, causées par des pluies torrentielles qui ravagent les cultures et détruisent les maisons, selon l'ONU.
(RE)voir : Soudan du sud : deux tiers de la population est menacée de la famine
D'ici juillet, plus de 7,7 millions de personnes risquent de se trouver en situation d'insécurité alimentaire aiguë, ont alerté en novembre 2022 trois agences onusiennes (FAO, Unicef, PAM), un niveau jamais atteint, même durant la guerre civile.
Le pays est classé à la 191e et dernière position de l'indicateur de développement humain (IDH) du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Le Soudan du Sud a un des plus faibles taux d'alphabétisation au monde (35% en 2018, selon la Banque mondiale).
Une économie dépendante du pétrole
L'économie sud-soudanaise, basée sur le pétrole et l'agriculture, est particulièrement vulnérable aux chocs climatiques, pétroliers et aux conflits.
La croissance, minée dernièrement par des inondations, invasions de criquets et la pandémie de Covid-19,
"devrait rebondir à (...) 6,5 % en 2023 grâce à la hausse des recettes d'exportation de pétrole", souligne la Banque africaine de développement (BAD).
Le Sud a hérité à l'indépendance des trois-quarts des réserves pétrolières du Soudan, mais reste tributaire des infrastructures du Nord pour ses exportations. Le secteur pétrolier contribue à 90% de ses revenus et représente quasiment l'intégralité de ses exportations, selon la Banque mondiale.
Mais la manne pétrolière est largement détournée à des fins politiques et d'enrichissement dans ce pays classé comme le plus touché par la corruption par l'ONG Transparency International (180e sur 180).
L'économie souffre également d'une inflation galopante. Elle s'était quelque peu ralentie après avoir atteint 33% en 2020, mais devrait être de 16% en 2023
"en raison de la sécheresse et de la hausse des prix des denrées alimentaires (...) suite au conflit Russie-Ukraine", estime la BAD.
Une biodiversité inexplorée
Le Soudan du Sud, dont 15% du territoire est constitué de parcs nationaux et réserves, abrite une faune variée (antilopes, éléphants, buffles et les très rares girafes nubiennes...) malmenée par la guerre civile et le braconnage, mais qui pourrait permettre un essor du tourisme.
Il abrite également le plus grand écosystème de savane d'Afrique de l'Est, qui favorise une des plus importantes migrations saisonnières animales au monde, impliquant quelque 1,2 millions d'antilopes et gazelles.
Le marais du Sud, plus grande zone marécageuse du monde (57.000 km2), héberge d'innombrables oiseaux et d'immenses étendues de papyrus et plantes aquatiques.