Fil d'Ariane
Il faut attendre près de 40 ans, en 1999, pour que la France qualifie officiellement de "guerre" cette période douloureuse et sanglante ayant scellé avec les accords d'Evian l'indépendance de l'Algérie.
Comme Valéry Giscard d'Estaing, premier chef d'État français à effectuer en 1975 une visite officielle dans l'Algérie indépendante, François Mitterrand et Jacques Chirac se gardent de condamner la colonisation durant leurs mandats.
Le président François Mitterand (1981-1995), ancien ministre de l'interieur sous la IVème République en 1956 lors de la guerrre d'Indépendance (1954-1962), cherche à entretenir des relations stratégiques avec le pouvoir algérien. Dans les années 1980, l'économie algérienne, dépendante des exportations des hydrocarbures, est victime du contre-choc pétrolier. Les prix du gaz et du baril de pétrole s'effondrent. La France achète du gaz algérien au dessus des cours mondiaux pour soutenir le régime.
Le Front Islamique du Salut, parti issu de l'islam politique, remporte les élections législatives au premier tour. Mais le scrutin n'aura pas lieu au second tour. Les militaires au pouvoir suspendent les élections. La France, contrairement à Washington, ne condamne pas ce coup de force.
Lors de la guerre civile algérienne, la "décennie noire" (1992-2003), la France arme de manière discrète le régime algérien face aux groupes islamistes armés comme le GIA. Le président Jacques Chirac évoque en 2003 lors d'une visite à Alger la mise en place d'un traité d'amitié entre la France et l'Algérie.
Le 8 mai 2005, l'ambassadeur de France Hubert Colin se rend à Sétif pour la commémoration du massacre de Sétif le 8 mai 1945. Les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata sont des répressions sanglantes qui suivent les manifestations indépendantistes.
Plusieurs dizaines de milliers d'Algériens seront tués par l'armée française. L'ambassadeur de France parle alors "d'une tragédie inexcusable" devant les autorités algériennes.
Cependant, un projet de loi déposé en 2005 par des députés en France vise à rappeler les aspects "positifs" de la colonisation. Il met fin au projet de traité d'amitié entre l'Algérie et la France.
En 2007, en visite à Alger, le président Nicolas Sarkozy déclare alors que "le système colonial a été profondément injuste", mais évoque "d'innombrables victimes des deux côtés".
En 2012 à Alger, François Hollande va plus loin en déclarant que "pendant 132 ans, l'Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal". Le 19 mars 2016, il est le premier président français à commémorer la fin de la guerre d'Algérie.
Ca fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l'égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes.
Le candidat Emmanuel Macron à Alger en février 2017.
En février 2017, Emmanuel Macron, alors candidat à l'élection présidentielle, déclare que la colonisation est "un crime contre l'humanité". "Ca fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l'égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes", dit-il.
En décembre 2017, devenu président, il se rend en Algérie et promet de restituer à ce pays les crânes d'insurgés algériens tués au XIXe siècle par l'armée française, ce qui sera fait en 2020. L'Algérie et la France doivent avoir "des relations beaucoup plus développées qu'aujourd'hui", dit-il, en appelant à ne pas rester "otages" du passé.
Lire : Massacre du 17 octobre 1961 : Macron dénonce des "crimes inexcusables pour la République"
En 2018, Emmanuel Macron reconnaît que le jeune mathématicien communiste Maurice Audin est mort sous la torture de l'armée française en 1957, et demande "pardon" à sa veuve.
Après la publication du rapport de l'historien Benjamin Stora, en janvier 2021, Emmanuel Macron s'engage à des "actes symboliques" pour tenter de réconcilier les deux pays, mais il exclut cette fois "repentance" et "excuses".
Début mars, il reconnaît, "au nom de la France", que l'avocat nationaliste Ali Boumendjel a été "torturé et assassiné" le 23 mars 1957 par l'armée française, contredisant la thèse officielle d'un suicide.
En septembre 2021, il demande "pardon" aux harkis, combattants musulmans engagés auprès de l'armée française ensuite "abandonnés" par la France. Un projet de loi "de réparation" est adopté début 2022.