Zambie : le chef de l'opposition Hakainde Hichilema libéré

Le chef de l'opposition zambienne a retrouvé la liberté mercredi 16 août 2017 au terme de quatre mois d'une incarcération très controversée pour trahison. Hakainde Hichilema, qui avait plaidé non coupable, risquait une sentence allant de 15 ans de prison à la peine de mort.
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Hakainde Hichilema, chef de l'opposition zambienne
Le chef de l'opposition zambienne, Hakainde Hichilema, lors d'un rassemblement politique à Lusaka, en Zambie, en janvier 2015.
©AP Photo / Tsvangirayi Mukwazhi
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Acclamé par des centaines de partisans, Hakainde Hichilema a quitté mercredi 16 août 2017 dans la matinée la prison de la capitale à bord d'un puissant véhicule tout-terrain décapotable dans lequel il a paradé à travers la ville jusqu'au siège de son parti. "Ici commence notre marche vers la vraie liberté", a-t-il alors lancé à la foule au côté de son épouse et de ses coaccusés.

"Nous voulons ramener l'unité dans ce pays (...) je vous assure que nous sommes plus fort maintenant qu'avant. Nous sommes dix fois plus fort qu'avant", a poursuivi M. Hichilema sous les vivas de ses troupes, comme pour défier le pouvoir. Son procès s'était ouvert lundi 14 août et le chef de l'opposition avait plaidé non coupable avant que le tribunal n'ajourne du procès à mercredi.

Le parquet a renoncé à poursuivre M. Hichilema pour trahison après des entretiens, la semaine dernière, entre la secrétaire générale du Commonwealth et MM. Lungu et Hichilema. Mercredi, elle s'est réjouie de la décision de la justice et a appelé les dirigeants zambiens à montrer que leur pays "reste un symbole de paix et un havre de stabilité, d'unité et de tolérance politique".

Après la libération de Hakainde Hichilema, le chef de la police Kakoma Kanganja a rappelé dans un communiqué qu'il avait donné pour instruction à ses hommes de "faire respecter strictement la loi et de réprimer toute forme de comportement qui pourrait compromettre la sécurité de la nation".

Un procès pour trahison

Dès l'ouverture de son procès devant un tribunal de Lusaka, l'avocate générale Lillian Kayuni a annoncé l'abandon immédiat des charges retenues contre M. Hichilema et ses cinq coaccusés, sans en préciser publiquement les raisons.

Arrêté en avril, le patron du Parti uni pour le développement national (UPND) était incarcéré depuis pour avoir gêné le passage du convoi du président zambien Edgar Lungu, dont il conteste obstinément depuis un an la réélection. Formellement accusé de trahison, l'homme d'affaires risquait une peine allant de quinze ans de réclusion à la peine de mort. 

Le chef d'un petit parti d'opposition, Savior Chishimba, très critique envers le président Lungu, avait également été arrêté, début août, avant d'être libéré au bout d'une semaine sans poursuites.

Un contexte trouble depuis les élections

La remise en liberté d'Hichilema met un terme à une saga politico-judiciaire de plusieurs mois qui a nourri de vives tensions dans le pays.

Le climat politique en Zambie, un pays d'Afrique australe d'ordinaire calme, s'est profondément détérioré depuis l'élection présidentielle d'août 2016, marquée par de violents incidents. A l'époque, le chef de l'Etat Edgar Lungu n'avait pas hésité à déclarer qu'il n'hésiterait pas "à sacrifier la démocratie" pour préserver la paix. 

La courte victoire - à peine 100.000 voix - de M. Lungu devant M. Hichilema n'a pas calmé les esprits et l'opposition refuse depuis de le reconnaître comme le président légitime.

Arrestation d'Hichilema au printemps

En avril, l'arrestation musclée de M. Hichilema à son domicile par des dizaines de policiers anti-émeute a constitué un tournant dans l'escalade des tensions. Amnesty International avait ainsi estimé que le chef de l'opposition était "victime de persécutions" des autorités et que les poursuites engagées contre lui visaient à le "harceler et l'intimider"

Son transfert en juin dans une prison de haute sécurité a alimenté un peu plus les critiques de l'opposition qui dénonce les dérives autoritaires du régime. Le même mois, 48 députés d'opposition ont été suspendus pour un mois pour avoir boycotté un discours du chef de l'Etat.

Mi-juillet, le Parlement a voté l'instauration de l'état d'urgence pour trois mois à la suite d'une série d'incendies criminels attribués par le pouvoir à l'opposition. En annonçant l'état d'urgence, Edgar Lungu avait balayé d'un revers de main les critiques et rejeté toute dérive "dictatoriale", assurant qu'il avait pour unique préoccupation de faire "reculer l'anarchie" dans son pays.