Fil d'Ariane
Il y a deux anniversaires que Robert Mugabe se plaisait à fêter chaque année en grande pompe : le sien et celui de l'indépendance de son pays.
"Maintenant, nous apprécions ce que nous avons atteint, les fruits de notre indépendance, la possession et la propriété de nos terres et de nos ressources naturelles", déclarait Robert Mugabe, président zimbabwéen, en avril 2017.
Robert Mugabe, le père de la Nation, est un héros de l'indépendance, et ce, dès les années 1960. La Rhodésie du Sud est alors une colonie britannique : un régime ségrégationniste où la minorité blanche a tout. La majorité noire, rien.
Robert Mugabe, marxiste convaincu, crée son parti indépendantiste, la Zanu-PF.
Un an plus tard, en 1964, il est jeté en prison. Il y croupira 10 ans.
A sa sortie, ce n'est plus le même homme. Il prend les armes contre le régime de Ian Smith au sein de la guerilla du Front patriotique. Il garde les mêmes revendications.
Dans le système actuel, les terres sont divisées en fonction de la race. L'économie fonctionne par rapport à la race, toute la société est établie en fonction de l'appartenance raciale. Je voudrais en finir avec cela.
Robert Mugabe
Mais il faudra attendre encore quelques années. En 1980 le drapeau du tout nouveau Zimbabwe indépendant prend la place de celui de la Rhodésie du Sud. Robert Mugabe devient un Premier ministre plutôt prometteur : services publics performants, construction d'écoles, d'universités... Une véritable lune de miel.
Mais en 1982 un premier signe de durcissement. Mugabe réprime sauvagement les ndébélé, le groupe ethnique de son ancien frère d'arme Joshua Nkomo, devenu trop encombrant. 20 000 morts. Mais personne n'ose encore le lui reprocher publiquement.
Stephen Chan, expert en relations internationales : " Il y a eu des catastrophes majeures, particulièrement dans l'Ouest du pays où de nombreuses personnes considérées comme dissidentes, ont été tuées. Mais pendant les 10, peut-être 15 premières années, Mugabe a très bien dirigé le pays."
Années 1990, économiquement c'est la dégringolade. Robert Mugabe se soumet au Fonds Monétaire International et à ses plans d'ajustement structurel qui étouffent l'économie.
Les Britanniques décident de ne plus financer la réforme agraire. 42 % des terres du pays sont toujours aux mains des blancs.
En 2000, Mugabe met fin a cet état de fait. Trois années plus tard, 90 % des fermes sont saisies brutalement et redistribuées aux élites, aux anciens combattants. Une série de sanctions internationales drastiques achève de mettre le Zimbabwe à genoux et de raidir encore plus Mugabe dans sa rhétorique anti Occident.
Ni Bush ni Blair ne pourront provoquer un changement de régime ici. Jamais ! Nous ne l'accepterons jamais !
Robert Mugabe, en février 2017
Sur le plan politique, l'opposition est muselée, manipulée, violentée.
Au niveau économique, c'est la dégringolade : hyperinflation, risque de famine, chômage endémique. 90% de la population est sans emploi en 2017.
Son habit de père de l'indépendance ne l'aura pas sauvé cette fois. Au Zimbabwe, personne ne veut continuer de payer le prix de son héroïsme d'antan.