Contrairement aux attentes, Robert Mugabe n'a pas annoncé sa démission. Il a tenu dans un discours à la nation dimanche 19 novembre dans lequel il a indiqué qu'il présiderait le mois prochain le congrès de son parti, le Zanu-PF.
"Le congrès doit se tenir dans les prochaines semaines. J'en présiderai les débats". A 93 ans dont trente-sept au pouvoir, Robert Mugabe n'est pas prêt à se laisser faire. Quelques heures après avoir été démis de ses fonctions de président de la Zanu-PF, à la surprise générale, le président zimbabwéen a finalement décidé de ne pas quitter le pouvoir. Pourtant, selon une source proche de son entourage, il avait auparavant accepté de remettre sa démission.
"L'opération à laquelle j'ai échappée (...) n'a pas remis en cause mon autorité en tant que chef de l'Etat et commandant en chef de l'armée", a estimé dimanche Robert Mugabe, flanqué à sa droite de plusieurs hauts responsables militaires.
"Quels que soient les pour et les contre de l'opération de l'armée, moi, en tant que commandant en chef, je reconnais les problèmes qui ont été soulevés", a-t-il ajouté, avant de critiquer
"les messages contradictoires du gouvernement et du parti".
"Tout cela doit cesser, alors que nous adoptons une nouvelle culture de travail", a-t-il lancé dans un long discours, lu avec grand peine et retransmis en direct à la télévision d'État.
"Ce discours était totalement déconnecté de la réalité. Nous soutiendrons toute procédure de destitution et appelons à manifester mercredi", a immédiatement réagi le chef de l'association des anciens combattants, Chris Mutsvangwa, joint par l'AFP.
Les anciens combattants de la guerre d'indépendance ont appelé les Zimbabwéens à descendre de nouveau dans la rue mercredi pour obtenir le départ du président Robert Mugabe, qui a défié les attentes en n'annonçant pas sa démission dans une adresse à la nation dimanche soir.
A la surprise générale, Robert Mugabe n'a pas encore annoncé sa démission.
L'étau s'est resserré ces dernières heures autour du président et son épouse. Réunis dimanche 19 novembre, les membres du parti au pouvoir, la Zanu-PF, ont voté pour une expulsion de leur chef, Robert Mugabe. Avec un ultimatum à la clé : si le président du Zimbabwe, à la tête du pays depuis 37 ans, ne démissionne pas d'ici lundi midi, ils lanceront une procédure d'
impeachment contre lui au Parlement.
Plus tôt dans la journée, le président zimbabwéen s'est entretenu avec les généraux de l'armée, pour la deuxième fois depuis le coup de force militaire cette semaine. La rencontre a été organisée dimanche après-midi au palais présidentiel, selon le journal. Sur des photos publiées sur le site du quotidien, le président Mugabe, vêtu d'un costume sombre à carreaux et d'une cravate rouge, salue et discute avec plusieurs responsables de l'armée dont le chef d'état-major, Constantino Chiwenga.
Lors de leur première entrevue jeudi, Robert Mugabe, au pouvoir depuis l'indépendance en 1980, avait catégoriquement refusé de démissionner de la présidence. Entre-temps, la donne a changé.
"Le début d'une nouvelle ère"
Le parti de la Zanu-PF, qui n'avait jusque-là jamais fait défaut au
"camarade Bob", lui a lancé un ultimatum inédit: démissionner
"d'ici lundi" à la mi-journée ou faire face à une procédure de destitution. Lors d'une réunion d'urgence, la direction de la Zanu-PF a également décidé de lui retirer son titre de président du parti et de le remplacer par Emmerson Mnangagwa, 75 ans, l'ancien vice-président dont le limogeage le 6 novembre a précipité la crise actuelle.
Ce dernier, un dur surnommé
"le crocodile", a également été nommé candidat officiel de la Zanu-PF à l'élection présidentielle de 2018, en remplacement du chef de l'Etat, dont il a longtemps été le bras droit. L'ambitieuse et impopulaire épouse du chef de l'Etat, Grace Mugabe, 52 ans, a quant à elle été purement et simplement exclue du parti.
Autant dire que Robert Mugabe n'a jamais été aussi proche du terme de sa présidence. Ces décisions
"marquent le début d'une nouvelle ère", a lancé un cadre du parti, Obert Mpofu, qui présidait la réunion exceptionnelle de la Zanu-PF, et dont les annonces ont été vivement applaudies par les cadres du parti.
Elles ont également été saluées par une population avide de changements.
"Même si sa décision arrive tard, la Zanu-PF a enfin fait le bon choix", se réjouissait Trymore Chabata, un vendeur de rue, pour qui
"Mugabe est un problème depuis longtemps". Dans les rues d'Harare, le peuple ne contient plus sa liesse. La capitale a vécu sa plus grosse manifestation hier depuis l'indépendance pour célébrer en avance le départ du
"vieux lion". Elle est à nouveau en ébullition ce dimanche.
Repect et dignité
Jusqu'à présent, l'armée, qui dément avoir fait un coup d'Etat, tente de négocier à l'amiable le départ du président Mugabe. Elle l'a même laissé se rendre vendredi à une cérémonie de remise de diplômes universitaires à Harare. Les militaires tentent de
"le traiter avec respect et dignité", selon Anthoni van Nieuwkerk de l'université de Witwatersrand à Johannesburg, afin de mettre au plus vite un terme à ce coup de force militaire.
L'affaire n'est cependant pas aisée. Le vieux Mugabe, qui s'endort régulièrement en public, a la réputation d'être coriace et un fin tacticien. La crise politique au Zimbabwe inquiète la région. Mardi, plusieurs dirigeants de pays membres de l'organisation de la SADC (Communauté de développement économique de l'Afrique australe), dont le président sud-africain Jacob Zuma et son homologue angolais Joao Lourenço, doivent se réunir à Luanda pour en débattre.