Chronique | L'oeil de Slimane

ÉDITO - De l'Afghanistan à l'Iran: le "remodelage" du Moyen-Orient par le "chaos constructif"

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Ex Oriente lux, la "lumière vient de l’Orient", dit l’adage gréco-romain. "L’Orient, ce sont les ténèbres", avait rectifié le président américain George W. Bush, en réaction aux attaques terroristes du 11 septembre 2001. Lors de ce discours de l’état de l’Union, il avait ajouté que ce berceau de la civilisation, de l’alphabet et des Écritures juives, chrétiennes et musulmanes, devrait faire l’objet d’un "remodelage" intégral, sous les auspices éclairés des États-Unis.

Joignant l’action au discours, il lança l’invasion de l’Afghanistan fin 2001 puis celle de l’Irak de Saddam Hussein deux ans plus tard. Ainsi, Kaboul et Bagdad sont devenus les terrains de manœuvres et leurs peuples des cobayes d’une opération de déconstruction-reconstruction, avec l’objectif claironné de démocratiser, protéger les femmes et les minorités, conditions et clés d’un avenir libre et prospère.

Un éclatement de l'État

La machine américaine à "régénérer" s’en prend ensuite à la Libye de Kadhafi, courant 2011 avant de s’attaquer au dictateur soudanais Omar El-Bachir. Ce soit-disant "renouveau" du Grand Moyen-Orient, conduit à coups de missiles balistiques, de raids aériens dévastateurs, de destructions des tissus urbains et des exodes de pans entiers des peuples, se solde par un éclatement de l’État, confronté au réveil des passions tribales et sécessionnistes.

Le staff de néoconservateurs qui conseille George W. Bush n’y voit qu’un impératif "chaos constructif", condition sine qua non de l’émancipation de ces pays, sous la houlette des États-Unis et de ses alliés européens et israéliens. Comment s’étonner, dès lors, qu’à l’occasion d’élections bricolées sur ces terres brûlées au napalm et à l’uranium appauvri, fleurissent milices djihadistes ou semi-mafieuses, partis islamistes rétrogrades, camarillas politiques corrompues et incompétentes…

Après un quart de siècle de chaos, le bilan -provisoire- affiche huit États faillis (Libye, Soudan, Somalie, Yémen, Liban, Syrie, Irak, Afghanistan) plus celui du non-État palestinien. Désormais, il faudrait craindre y adjoindre l’Iran, toujours au nom du sacro-saint devoir de débarrasser les peuples des mollahs oppresseurs, d’y émanciper les minorités -baloutches, arabes, kurdes- du joug perse et tant pis si ces Iraniens partagent depuis des siècles une même histoire et un destin commun.

Slimane Zeghidour
La chronique hebdomadaire de Slimane Zeghidour écrivain, chercheur et spécialiste du monde arabe dans l'émission Maghreb Orient Express.