Trois cents ans après Louis XV, Emmanuel Macron a reçu le dirigeant russe à Versailles. Avec force symboles, le président français a tenu tête au "tsar Poutine" tout en sculptant son image.
Emmanuel Macron aime les symboles et il y en a à foison dans cette première rencontre entre le président français et son homologue russe. Dans un style très « jupitérien » voire « Grand Siècle », Emmanuel Macron a choisi l’ouverture d’une exposition consacrée au Tsar Pierre le Grand pour inviter son homologue russe sous les ors du Château de Versailles. Trois cents ans très exactement séparent ces deux rencontres franco-russes. Et que de chemin parcouru depuis par les deux pays !
Lorsqu’en 1717, Pierre Ier de Russie effectue son premier voyage en France (avec une étape à Amiens !), le Royaume –Louis XIV est mort en 1715- brille encore des feux de son rayonnement de première puissance mondiale. La Russie n’étant alors qu’un jeune empire en pleine croissance. On connaît le rapport de force aujourd’hui. A défaut de l’inverser, peut-être est-ce pour le rééquilibrer que le nouveau président français a convié l’histoire ce lundi 29 mai 2017 ?
Vladimir Poutine, qui n’avait pas souhaité effectuer le déplacement il y a quelques mois pour l’inauguration de la grandiose Cathédrale Orthodoxe de Paris, sur fond de différends sur le dossier syrien, a au contraire prestement sauté dans un avion à l’invitation du nouvel élu pour venir admirer l’exposition consacrée à son compatriote. Il faut dire que le président russe nourrit une affection particulière pour le fondateur de sa ville natale, Saint-Petersbourg - « la fenêtre ouverte sur l’Europe » selon le mot de Pouchkine-, connu pour avoir introduit la Russie dans l’ère moderne et dans l’Occident.
Mais les alliés d’aujourd’hui ne sont plus tout à fait ceux d’hier. Face à l’indéboulonnable « couple franco-allemand » actuel, le tandem russo-prussien d’alors conduisit à un enlisement des négociations avec la France alliée de la Suède et soucieuse de ses relations avec la Hollande et l’Angleterre. Mais aussi, à terme, à l’instauration d’une amitié franco-russe, marchepied manifeste du Traité d’Amsterdam d’août 1717, premier instrument de cette diplomatie bilatérale.
L’enlisement sera-t-il également suivi d’une alliance plus fructueuse aujourd’hui ? En lieu et place de ces alliances et pourparlers passés, le dialogue versaillais fut en tout cas « exigeant » et franc. La Syrie a certes remplacé la Suède au menu des discussions. Et les thématiques ont porté à la fois sur les droits de l’homme et les médias. Autres temps, autres sujets.
Au-delà du « nous ne nous sommes tout dit, on partage des désaccords mais au moins on les a évoqués » résumé par le président français, ces échanges du Grand Trianon auront surtout été marqué au coin du symbole. Plutôt que la Galerie des glaces, qui invite aux jeux de miroir, aux regards croisés et aux faux-semblants, Emmanuel Macron, conquérant, a choisi la Galerie des Batailles pour délivrer la conférence de presse commune.
Enfin, symbole encore, le président français a conduit le président russe à travers les jardins du Château de Versailles, tenant d’une main ferme le volant de la voiturette de golf qui leur servait d'attelage, alors que son homologue russe paraissait engourdi par la chaleur. Ou fut-ce par la posture ?
Une image remplace l’autre. Il y a exactement 300 ans, au même endroit, c’était le Tsar Pierre le Grand qui, dans un élan d’affection et à rebours de l’Etiquette, saisissait dans ses bras le petit Louis XV, alors âgé de 7 ans.