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28e Fespaco : triomphe tunisien au plus grand festival de cinéma africain

Le réalisateur tunisien Youssef Chebbi a obtenu samedi à Ouagadougou au Burkina Faso la récompense suprême du la 28e édition du Fespaco, le plus grand festival du cinéma africain. Les prix d'interprétation masculine et féminine reviennent à l'ensemble des acteurs et actrices de "Sous les figues" d’Erige Sehiri, (Tunisie).

170 oeuvres étaient en lice dans diverses catégories pour cette édition sur le thème "cinémas d'Afrique et culture de la paix".

(Re)voir : Fespaco : le Tunisien Youssef Chebbi sacré Etalon d'or de Yennenga

Quinze longs-métrages de fiction briguaient la récompense suprême, l'Etalon d'or de Yennenga, un prix d'une valeur de 20 millions de francs CFA (environ 30.000 euros).

La prochaine édition du Fespaco est prévue pour se tenir du 22 février au 1er mars 2025. 

Palmarès de la 28e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco)

 

FICTION LONG-METRAGE 

- Etalon d'or de Yennenga: "Ashkal" de Youssef Chebbi (Tunisie)

- Etalon d'argent: "Sira", d'Apolline Traoré (Burkina Faso)

- Etalon de bronze: "Shimoni" d'Angela Wamai (Kenya)

- Prix d'interprétation masculine: l'ensemble des acteurs de "Sous les figues" d’Erige Sehiri (Tunisie)

- Prix d'interprétation féminine: l'ensemble des actrices de "Sous les figues" d’Erige Sehiri, (Tunisie)

- Meilleur décor: "Mami Wata" de Fiery Obasi (Nigeria) 

- Meilleur montage: "Abu Saddam" de Nadine Khan (Egypte)

- Meilleur scénario : "Le bleu du caftan" de Maryam Touzani (Maroc)

- Prix de l'image: "Mami Wata" de Fiery Obasi (Nigeria)

- Prix du son: "Ashkal", de Youssef Chebbi (Tunisie)

- Meilleure musique: "Our lady of the Chinese shop" d’Ery Claver (Angola) 

- Mention spéciale du jury: "Regarde les étoiles" de David Constantin (Ile Maurice)

FICTION COURT-METRAGE

- Poulain d'or fiction court-métrage: "Will my parents come to see me", de Mo Harawe (Somalie) 

- Poulain d'argent fiction court-métrage: "A doll" d'Andriaminosa Hary et Joel Rakotovelo (Madagascar)

- Poulain de bronze fiction court-métrage: "Tsutsue", d'Amartei Armar (Ghana)

DOCUMENTAIRES

- Etalon d'or documentaire long-métrage: "Omi Nobu/L'Homme nouveau" de Carlos Yuri Ceuninck (Cap-Vert)

- Étalon d'argent documentaire long-métrage: "Nous, étudiants" de Rafiki Fariala (Centrafrique)

- Étalon de bronze documentaire long-métrage: "Gardien des mondes", de Leïla Chaïbi (Algérie)

- Poulain d'or documentaire court-métrage: "Angle mort" de Lofti Achour (Tunisie) 

- Poulain d'argent documentaire court-métrage: "Katanga nation" de Beza Hailu Lemma (Ethiopie)

- Poulain de bronze documentaire court-métrage: "Kelasi", de Fransix Tenda Lomba (RDC) 

Mention spéciale du jury: "L’envoyée de Dieu" d’Amina Mamani (Niger) et "Cuba en Afrique" de Negash Abdurahman (Ethiopie)

SECTION PERSPECTIVES

- Prix Paul Robeson au long-métrage documentaire "Le spectre de Boko Haram" de Cyrielle Raingou (Cameroun)

SECTION BURKINA FASO

- Meilleur film burkinabè: "Laabli l'insaisissable", de Luc Youlouka Damiba. 

- Meilleur espoir burkinabè: "Le botaniste", de Floriane Zoundi

- Révélation du cinéma burkinabè: "Malla, aussi loin que dure la nuit", de Dramane Ouédraogo. 

Etalon d'or pour le réalisateur tunisien Youssef Chebbi

Le jeune réalisateur né à Tunis en 1984, Youssef Chebbi a remporté l'Etalon d'or de Yennenga pour son film "Ashkal". 

Saluant une "rigueur extrême" et un "travail qui sort de l'ordinaire", la présidente du jury, la Tunisienne Dora Bouchoucha, a précisé que l'Etalon d'or avait été remis à M. Chebbi à l'unanimité. 

Dans ce polar qui se déroule dans les Jardins de Carthage à Tunis, un quartier abandonné après la chute du président Ben Ali en 2011, deux policiers mènent une enquête sur de mystérieuses immolations.

"C’est une intrigue policière mais en fait ça parle du peuple tunisien", a expliqué Dora Bouchoucha.  

Sélectionné à la quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes en France, "Ashkal" a également remporté l'Antigone d'or, la plus haute récompense du Festival du cinéma méditerranéen de Montpellier (sud-est de la France) en 2022.

Le prix a été remis à un représentant du réalisateur, absent, par le président de transition burkinabè, le capitaine Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir par un putsch en septembre 2022, coiffé de son habituel béret rouge et vêtu d'un treillis.  

Triomphe tunisien au Fespaco

Le réalisateur tunisien devance deux femmes, la Burkinabè Apolline Traoré pour "Sira" qui reçoit l'Etalon d'argent, et la Kényane Angela Wamai pour "Shimoni", récompensée de l'Etalon de bronze.

Depuis sa création en 1969, aucune femme n'a remporté la récompense suprême de ce grand festival africain du cinéma.

L'interprétation masculine et féminine reviennent à l'ensemble des acteurs et actrices de "Sous les Figues", de la réalisatrice tunisienne Erige Sehiri. 

La Tunisie triomphe donc dans ce festival du cinéma africain, à l'heure où des centaines de ressortissants d'Afrique subsaharienne fuient le pays en raison d'agressions et de manifestations d'hostilité faisant suite à une violente charge du président Kais Saïed contre les migrants en situation irrégulière. 

Le meilleur scénario a été décerné au "Bleu du Caftan", de la Marocaine Maryam Touzani.

Un contexte sécuritaire très lourd 

Cette 28e édition du festival s'est tenue dans un contexte sécuritaire très lourd au Burkina, secoué par la violence jihadiste depuis plusieurs années. 

Des dispositifs de sécurité, portiques, fouilles, militaires et policiers armés, ont été mis en place devant les différents lieux du festival qui ont accueilli 20.000 invités, selon l'organisation. 

En dépit de ce contexte, des projections ont eu lieu auprès de personnes déplacées en raison des attaques jihadistes, à Kaya (centre-nord) et à Dédougou (centre-ouest).

Les attaques qui touchent surtout la moitié nord du pays n'ont toutefois pas cessé. 

Dimanche dernier, la ville de Partiaga (nord-est) a été attaquée par des jihadistes, faisant plusieurs morts parmi les habitants, selon des sources locales. Aucun bilan officiel n'a été communiqué. 

Le Burkina Faso connaît une intensification des violences de groupes liés à Al-Qaïda ou l'Etat islamique depuis le début de l'année, avec plusieurs dizaines de morts - civils ou militaires - quasiment chaque semaine. 

Les violences ont fait depuis 2015 plus de 10.000 morts - civils et militaires - selon des ONG, et quelque deux millions de déplacés.

Cinéma : des héroïnes de la lutte antidjihadiste au Sahel

La 28e édition du festival de cinéma africain Fespaco à Ouagadougou offre une place importante à différents rôles féminins, héroïnes de la lutte antidjihadiste, un sujet devenu central ces dernières années au Sahel. 

"Quand on parle de terrorisme, on ne parle pas beaucoup des femmes", déplore la réalisatrice burkinabè Apolline Traoré, dont le long-métrage de fiction "Sira" a été sélectionné en compétition officielle.

Dans ce film, "Sira", le personnage principal, est une jeune fille de 25 ans enlevée par des djihadistes, qui fait preuve de courage et d'intelligence pour survivre dans l'horreur.

En général, "quand on parle des femmes, elles sont victimes dans les camps de déplacés, on ne voit pas leurs actions", explique la réalisatrice. 

Avec "Sira", elle souhaite au contraire montrer le "grand rôle" des femmes "dans cette lutte contre le terrorisme". "C'est tout ce que je pouvais faire", confie-t-elle. 

La violence djihadiste qui frappe le Sahel depuis plus de dix ans a fait des dizaines de milliers de morts, dont plus de 10.000 au Burkina Faso.

A travers le personnage de Sira, son tout premier rôle au cinéma, l'actrice burkinabè Nafissatou Cissé dit avoir voulu "donner une voix" à ces femmes et incarner "l'espoir". "J'ai du ressentir la rage et les autres émotions de ces femmes", explique-t--elle à l'AFP.

Dans son court-métrage ,"L'envoyée de Dieu", la réalisatrice nigérienne Amina Mamani a également voulu montrer la puissance des femmes face à la violence jihadiste qui frappe aussi son pays.

Le personnage principal, une fillette d'une dizaine d'années, est enlevée en pleine nuit par des jihadistes pour commettre une attaque kamikaze sur un marché, mais elle en décidera autrement.

"Les terroristes utilisent les femmes. Les hommes se font tuer, mais les femmes sont kidnappées, mariées de force et violées, quand les jeunes filles sont choisies pour se faire exploser", souligne Amina.

"C'est très sensible"

D'autres films en compétition mettent en valeur des personnages féminins, comme "Epines du Sahel" du Burkinabè Boubakar Diallo, réalisateur connu du cinéma africain. Ce long-métrage de fiction témoigne de la ténacité d'une infirmière envoyée dans un camp de déplacés internes ayant fui la violence, quelque deux millions au Burkina.

La réalité a parfois rattrapé les fictions des réalisateurs.

Apolline Traoré confie n'avoir pas "mesuré l'ampleur de la force" de son personnage principal, jusqu'à sa rencontre avec des femmes aux vies bouleversées par le jihadisme.  

"Tout a basculé", dit-elle, notamment après le récit d'une "femme qui, avec une balle dans l'épaule et deux enfants", a cherché pendant "cinq jours où se réfugier". "Sira est encore trop petite à côté de ces femmes-là", estime t-elle. 

Boubakar Diallo a de son côté travaillé avec des personnes déplacées qui, lors du tournage, "ont paniqué en voyant des militaires armés". 

Il a fallu "les mettre en confiance", explique celui qui a voulu raconter les violences djihadistes, un "sujet incontournable dans le quotidien" des Burkinabè.

Après l'attaque de Solhan, en juin 2021, la plus meurtrière de l'histoire du Burkina (au moins 132 morts) le gouvernement n'a pas renouvelé l'autorisation du tournage de "Sira", dans le nord du pays.

En 20 ans de carrière, Apolline Traoré dit n'avoir jamais eu "aussi peur de montrer" un film. "C'est très sensible, et frais dans le cœur des Burkinabè et des Sahéliens", explique la réalisatrice.