Afrique: ces artistes engagés, amoureux de leur continent

Porte-paroles des sans-voix, de nombreux artistes africains utilisent leur métier pour dénoncer le pouvoir et les injustices de leurs pays. Au travers de textes souvent crus et révolutionnaires, ils n’hésitent pas affronter les gouvernements en place, avec tous les dangers encourus. Certains risquent leur vie pour faire valoir leurs convictions. D'autres passent des années en prison. En 2013 par exemple, plusieurs rappeurs tunisiens avaient été arrêtés et torturés pour avoir critiqué le gouvernement et les autorités. Panorama de quelques artistes africains engagés.

Lapiro de Mbanga était un chanteur populaire et farouche opposant à Paul Biya, l’actuel président camerounais. L’artiste est surtout connu pour ses titres « Pas argent no love », « Mimba We » ou encore « Constituton constipée » , titre qui sera censuré par le gouvernement. Ses textes évoquent la misère de la population et dénoncent le pouvoir. Emprisonné de 2008 à 2011 pour sa participation aux "émeutes de la faim", il part ensuite s'exiler aux Etats-Unis.

"Zombie no go stop, unless you tell am to stop. Zombie no go turn, unless you tell am to turn. Zombie no go think, unless you tell am to think. Tell am to go straight, Joro, Jara, Joro. No break, no job, no sense, Joro, Jara, Joro. Tell am to go kill, Joro, Jara, Joro" (Zombie, dans la chanson les zombies sont les policiers nigérians, ndlr).

Fela Kuti était un chanteur et saxophoniste nigérian, célèbre pour ses sévères critiques du gouvernement militaire du Nigéria. C’est pour cette raison qu’en 1977, il est arrêté chez lui par des soldats, sa maison est incendiée et des membres de sa famille sont agressés. Il s’exile un an au Ghana avant de revenir. Au cours de sa vie, Fela Kuti sera jeté plusieurs fois en prison.

"Gauche Droite c'est la même chose, Gauche Droite y-a-t-il autre chose ?
Gauche Droite pour changer les choses, Gauche Droite on a notre dose
Et le pouvoir tourne, chacun à son tour, ça fait le tour, ça tourne, ça tourne, le pouvoir tourne, pendant que le peuple souffre, le pouvoir tourne, ça fait le tour, ça tourne, ça tourne, et il s’essouffle" (Gauche Droite )

Tiken Jah Fakoly est un chanteur de reggae ivoirien. En 1996, il sort son célèbre titre « Mangercratie » dans lequel il traduit les revendications des africains en matière de nourriture. Il dit faire de la musique pour « éveiller les consciences ». En 2003, il est contraint de quitter la Côte d’Ivoire suite à des menaces de proches du président Laurent Gbagbo. Il revient chanter dans son pays quelques années plus tard, arpès de la chute du chef de l’Etat. Révolutionnaire assumé, il a appellé son dernier album « African Revolution ».

"J'accuse toute l'Afrique d'irresponsabilité chronique, nos présidents, nos dirigeants d'être égoïstes et siniques. Ils veulent du pouvoir, encore du pouvoir, tout le pouvoir.  Une fois au pouvoir, promettre des choses, sans le pouvoir. Ils ont vendu l'Afrique ses richesses et même ses plages" (J'accuse)

Didier Awadi est un des précurseurs du mouvement hip hop au Sénégal. Intéressé par la politique, il participe notamment au mouvement Y’en a marre qui a protesté contre la candidature d’Abdoulaye Wade lors des dernières élections. Son modèle est Thomas Sankara, le révolutionnaire burkinabé. Le chanteur est également très proche de Tiken Jah Fakoly. Son dernier album « Présidents d’Afrique » est un mélange de chansons et d’enregistrements de discours de grands leaders africains qui ont su dénoncer les injustices.

"Je suis un noir, ma peau est blanche, et moi j'aime bien ça, c'est la différence qui est jolie. Je suis un blanc, mon sang est noir, et moi j'adore ça, c'est la différence qui est jolie. Je voudrais que nous nous entendions dans l'amour, que nous nous comprenions dans l'amour et dans la paix" (La différence)

Salif Keita, est un chanteur et musicien malien. Sa particularité est d'être albinos. Il est d'ailleurs engagé dans l'intégration de ses compatriotes au Mali, où ils sont considérés comme des sorciers. En 2009, son album "La différence" est un hommage aux albinos, mais également une critique du recul de la démocratie en Afrique. Dans son dernier album "Talé", sorti en 2012, l'artiste évoque le conflit au Mali. Il critique le pouvoir et remercie la France pour son intervention.
 

"Cette mésentente entre nos leaders politiques est incompréhensible. La raison de ces désaccords destructeurs est-ce la cupidité? Ou alors est-ce la soif du pouvoir? Les conflits ne résolvent rien, l’orgueil n’a point de vertu. Seigneur, accorde nous sagesse et clairvoyance" (Beautiful Africa)

Rokia Traoré est une chanteuse et auteur-compositeur malienne. En 2013, elle sort son cinquième album "Beautiful Africa" où elle regrette la situation dans laquelle se trouve son pays et dénonce les "combines fratricides". L'artiste déclare aussi sa flamme au continent africain, qu'elle aime plus que tout. Artiste entière, elle déplore le manque d'aide de l'Etat aux artistes maliens. C'est pourquoi, elle créé la fondation Passerelle, destinée à promouvoir et aider les jeunes chanteurs.

"There is a woman in Somalia, scraping for pearls on the roadside. There's a force stronger than nature, keeps her will alive. This is how she's dying. She's dying to survive. Don't know what she is made of. I would like to be that brave. She cries to the heaven above. There is a stone in my heart. She lives a life she didn't choose" (Pearls)

Angélique Kidjo est une chanteuse béninoise. Très impliquée dans le combat pour l'amélioration de la condition de la femme en Afrique, elle vient de sortir un album intitulé "Eve" (du nom de sa mère). Un véritable recueil de textes qui évoquent les difficultés que vivent les femmes en Afrique et le courage de celles-ci. Dans son combat, elle se sent également concernée par les problèmes des enfants soldats, du paludisme, et de scolarisation des filles.

"Bienvenue, installez-vous, on a des nouvelles pour vous. Il y en a des bonnes, il y en a des mauvaises, mais on a des nouvelles pour vous.Dakar est au ralenti, parce qu'il n'y a pas d'eau. On mange peu, on ne boit pas beaucoup, parce qu'il n'y a pas d'eau. Beaucoup de riz, pas de sauce, parce qu'il n'y a pas d'eau…" (Extrait du Journal Rappé)

Xuman et Keyti sont deux rappeurs sénégalais. Ils se sont surtout fait connaître grâce au "Journal Rappé", un journal télévisé ironique et critique de l'actualité sénégalaise. Le but ? Parler de politique en temps réel et informer les jeunes d'une nouvelle manière. Tous les deux sont des artistes engagés. Xuman est d'ailleurs très ami avec les membres du collectif "Y'en a marre" pour qui il écrit une chanson.