L'annonce du nouveau mémoire de Ai Weiwei, 1000 ans de joies et de peines, sera publié en novembre 2022.
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Le plus célèbre des artistes chinois et activiste des droits humains, Ai Weiwei, publie sa première biographie. Le récit sonne comme un hommage de son père, figure de la contestation du pouvoir de Mao Zedong, et le souhait de léguer cette mémoire à son propre fils. Portrait.
L'artiste Ai Weiwei vient de sortir son livre autobiographique, 1 000 ans de joies et de peines (2022, Buchet Chastel).
Avril 2011. L’artiste contemporain chinois et opposant du pouvoir, Ai Weiwei, est emprisonné et condamné à un isolement complet pendant plus de deux mois par les autorités chinoises. C’est là, il y a douze ans, qu’il commence à écrire son autobiographie "1 000 ans de joies et de peines" (2022, Buchet Chastel).
"Je m’étais promis que si j'étais libéré, j'écrirais ce que je savais sur mon père. Je dirais honnêtement à mon fils qui je suis, à quoi ressemble la vie, pourquoi la liberté est si précieuse", raconte l’artiste dans une vidéo publiée sur son compte Instagram. Dans ce livre, il revient sur son parcours et celui de son père, le célèbre poète Ai Qing, qui fut en son temps victime des purges maoïstes.
L'annonce du nouveau mémoire de Ai Weiwei, 1000 ans de joies et de peines, sera publié en novembre 2022.
Ai Weiwei tire son engagement de son histoire familiale. Né à Pékin en 1957, dans le carcan des années Mao Zedong, il est envoyé en camp de rééducation à l'âge d'un an avec sa famille successivement dans plusieurs provinces lointaines chinoises. Il y reste pendant la Révolution culturelle (1966-1976), période pendant laquelle le gouvernement cherche à implanter l'idéologie prolétarienne en liquidant l'idéologie bourgeoise.
Être envoyé dans un camp de rééducation politique m'a montré la réalité du pouvoir chinois.
Ai Weiwei, artiste chinois et activiste des droits humains.
Son père Ai Qing, poète et intellectuel célèbre, en est une cible prioritaire. "Ce prince de la poésie chinoise était tout en haut de la liste de ces millions d’intellectuels victimes de la Révolution culturelle" explique Ai Weiwei pour le quotidien suisse 24 heures.
Dans le viseur du Parti communiste chinois, Ai Qing subit ainsi avec sa famille près de vingt ans de camps de rééducation. "Être envoyé dans un camp de rééducation politique m’a montré la réalité du pouvoir chinois, se confie Ai Weiwei pour le site d’information suisse, Le Temps. Nous avons vécu dans des conditions difficiles, littéralement dans un trou creusé à même le sol. Mais mon père a toujours été calme et pacifique, défendant son sens de l’esthétisme même lorsqu’il nettoyait les latrines du camp. Je ne m’en rendais pas compte en grandissant à ses côtés et je ne l’ai compris qu’en écrivant ce livre. Pour moi, mon père est un saint", décrit-il.
Après les années de camp et dans un contexte difficile pour les artistes en Chine, Ai Weiwei décide en 1980 de s’envoler pour étudier sa passion dans la prestigieuse école d'art : Parsons' School of Art. Là-bas, il tombe amoureux de l’œuvre radicale et libertaire du français Marcel Duchamp, connu pour transformer tout objet quelconque du quotidien, en œuvre d'art. Des années heureuses pour l'artiste, jusqu'en 1993, où la santé de son père le pousse à revenir.
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Et c'est pourtant là, dans son retour aux racines, que son travail prend tout son sens. Installation, sculpture, film, photo, etc. L'art d'Ai Weiwei devient un combat contre le totalitarisme chinois.
Dans les années 90, il fait poser sa compagne dans une attitude provocatrice, au nez et à la barbe des soldats. Cette photo le fait connaître dans le monde entier. Cinq ans après, il prend en photo son doigt d’honneur à la place Tiananmen, à Pékin, lieu emblématique de luttes chinoises. Le premier d’une série intitulée "Étude de perspective."
Son combat ne s’arrête pas aux photographies. Il le mène aussi sur Internet, en tenant un blog sur son compte Twitter, où il informe et enquête, tel un journaliste, sur les différentes affaires du pouvoir chinois.
Lors de son enquête à la suite du tremblement de terre du Sichuan en 2008, le gouvernement commence à s'intéresser au cas de l'artiste. Au cœur de l'affaire, l’effondrement d’une école à l’origine de la mort de plusieurs milliers d’enfants. Le bâtiment n’a pas été construit aux normes. Les autorités font tout pour faire taire les soupçons de corruption, mais l’artiste à la renommée maintenant internationale s’assigne une mission : comptabiliser et donner un nom aux enfants morts dans les écoles effondrées. N’en déplaise au Parti communiste chinois (PCC), il publie la liste.
Depuis cette affaire, jusqu’à son arrestation en 2011, il est la cible de différentes intimidations. Dans une démarche artistique, il n’hésite pas à documenter ses arrestations, en prenant photos et vidéos et en les diffusant sur Internet. La plus connue reste celle où il est frappé par un policier, puis envoyé à l'hôpital. Son arrestation en 2011 sonne comme un long silence de 81 jours, pendant lesquels Ai Weiwei ne donne plus signe de vie. À son retour, l’artiste n’est plus en sécurité, il faut partir.
Protégé par sa notoriété, il vit désormais au Portugal. Peu après son départ, son atelier à Pékin est détruit par le gouvernement. Une façon d'intimider l'artiste à distance. Mais, depuis sa terre d’exil, Ai Weiwei continue de dénoncer les agissements du pouvoir chinois.
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Dernier exemple en date : sa participation il y a deux mois à l’inauguration d’un nouveau haut lieu d’art contemporain à Hong-Kong, où Pékin réprime le mouvement pro-démocratie depuis 2019. Son doigt d’honneur à la place Tiananmen doit y être exposé. Sans appel, la célèbre photo est censurée. Un nouvelle façon pour l'artiste de mettre en lumière les méthodes du pouvoir chinois.