Ce programme, développé par l’organisme "Montréal autochtone", depuis septembre 2015, grâce à des subventions du gouvernement canadien, remporte un vif succès depuis ses débuts.
Au départ, trois langues autochtones ont été proposées : l’innu, le mohawk et le cri. Puis, trois autres langues se sont finalement ajoutées : l'anishnabe, l'abénaquis et l'inuktitut.
Actuellement, 90 étudiants sont inscrits au programme qui offre huit cours pour adultes par semaine pendant deux sessions de douze semaines, ainsi que des cours inuktitut pour enfants. Les cours sont si populaires que les responsables doivent refuser des demandes d’admission, faute de places et d’enseignants.
« Nous devons prioriser les autochtones dans les demandes d’inscription, explique Bérénice Mollen-Dupuis, la chargée de projet de Montréal autochtone. Mais le tiers de nos étudiants sont aussi des non-autochtones, des gens qui travaillent dans les communautés ou qui sont simplement intéressés à apprendre ces langues ».
Il faut pourtant beaucoup de motivation pour suivre ces cours. Il s’agit de langues aux sonorités très différentes de l’anglais et le français, des langues complexes, exigeantes et qui portent, pour la plupart, leur propre univers.
Des langues comme l’INNU par exemple sont très imagées : une bouilloire se traduirait littéralement par « celui qui siffle », un Québécois par « celui qui pêche » parce que les premiers blancs que les Innus ont rencontrés il y a des centaines d’années pêchaient.
« C’est notre défi, précise Myriam Thirmish, l’une des enseignantes du cours d’Innu, essayer d'expliquer justement toute cette philosophie qui est complètement distincte à des gens qui ont une manière de penser une manière de voir le monde, une manière de raisonner complètement différente alors c'est essayer de faire un pont entre les deux ».
Il y a une soixantaine de langues autochtones au Canada, dont 10 au Québec selon le recensement de 2011 de Statistique Canada. Mais beaucoup d’entre elles seraient en voie de disparition selon l’UNESCO. Actuellement, seulement un autochtone sur six parle la langue de sa communauté. Par exemple seulement une vingtaine de personnes parleraient actuellement l’abénaquis.
Seul un autochtone sur six
parle la langue de sa communauté« On n'aura jamais la capacité de sauver une langue en milieu urbain, c'est un gros défi, ce qu’on veut c'est garder ces langues-là vivantes dans le milieu urbain donc dans la ville de Montréal et dans sa région », déclare Bérénice.
Apprendre ou réapprendre leurs langues est une façon de se réapproprier leur identité pour les autochtones.
« J'ai toujours dit qu'en premier j'étais une femme, et qu'en deuxième j'étais autochtone et qu'en troisième j'étais une Québécoise, mais vraiment le fait d'apprendre ma langue ça va me donner un plus pour mon identité », explique Annie Boivin, une Innu d’origine qui suit actuellement des cours d’innu.
Si elle n’a pas vraiment cherché à l’apprendre quand elle était jeune, c'est parce qu’elle n’en voyait pas l’intérêt. Elle a maintenant toute la motivation nécessaire pour apprendre les bases de l’innu et pouvoir parler avec les membres de sa communauté dans leur langue, ou tout du moins comprendre les conversations.
« Actuellement, c'est difficile de transmettre sa langue à ses enfants, même dans la communauté, où ce n’est pas ça nécessairement valorisé. Donc c'est vraiment intéressant maintenant de voir que cela se revalorise tranquillement et j’espère que cela va aussi rayonner dans les communautés », ajoute Myriam Thirmish.
« Si tu as ta langue, tu tiens ta culture ancrée en toi, souligne Bérénice, je pense qu’il était temps que des cours de langues autochtones soient offerts à Montréal, c’est une demande que les communautés faisaient depuis longtemps ».
"Montréal autochtone" a bien l’intention de poursuivre son programme et espère que le gouvernement canadien va continuer à en assumer le financement via des subventions qu’il accorde chaque année.
L’organisme veut offrir d’autres langues et mettre en place des camps d’immersion dans des communautés pour permettre aux étudiants de parler la langue qu’ils apprennent. « On aimerait être la plaque-tournante des programmes de langues autochtones à Montréal », conclut Bérénice.