On dit que nous avons tous un sosie quelque part sur cette planète. Mais quand ce sosie a vécu il y a plusieurs milliers d'années, l'expérience est encore plus troublante et unique. C’est ce que viennent de vivre 25 personnes venues d’un peu partout dans le monde, une expérience fascinante qui fait l'objet d'une exposition présentée jusqu’en mai 2019 au Musée de la civilisation de Québec et baptisée : « Mon sosie a 2000 ans ».
Dans une salle du musée, sous les flashs des photographes et les lentilles des caméras, le jeune Milo Desbiens, 11 ans, retire le masque qui recouvre ses yeux. Il découvre alors sa photo et celle de son sosie, la statue de Phasaël, un jeune Syrien de Palmyre. "Je trouve ça émouvant de voir ça, je n’aurais jamais pu croire que cela serait possible ", nous confie le jeune Milo.
De l’autre côté de la salle, c'est un peintre de la région de Québec, Jean Potvin, qui réalise à quel point il ressemble à Démosthène, célèbre tribun d’Athènes : côte à côte il y a son portrait et celui de la statue antique. «
C'est une belle exposition, c'est quelque chose de rare et inusité, et de me voir ici, je trouve ça spécial, c'est magnifique, c'est très beau », déclare Jean Potvin.
Sosies antiques
Au total, les portraits de 25 personnes et de leurs sosies antiques sont exposés. L’inauguration de l’exposition a été l’occasion de leurs rencontres officielles. Et les sosies présents étaient ravis de cette expérience unique.
Émilie Winckel, archéologue franco-luxembourgeoise, est sosie d’un masque qui représente une jeune femme égyptienne : «
C'est très étrange, déjà de se voir en aussi grand en comparaison avec une statue orientale. On se rend compte que nos traits sont communs à plein de gens. C’est une belle surprise, surtout avec le métier que je fais. Et puis cette exposition est la preuve qu’on peut faire des choses dans les musées qui sont complètement différentes de ce qu'on fait d'habitude, qui sont plus ludiques, qui peuvent parler plus facilement à tout le monde. Un projet comme celui de ce musée sert à moderniser l'image qu'on peut avoir de ces statues antiques ».
Un avis partagé par Bertrand Mazeirat , conservateur au Musée d’art et d’histoire de Genève, il est aussi l’un des sosies exposés. Il parle d’une expérience étrange et déstabilisante : «
Cette exposition me déstabilise parce qu'elle nous invite nous, professionnels du musée, à porter un regard plus sensible sur des oeuvres qu'on a vraiment l'habitude de voir d'une manière documentaire, strictement historique. Et là c’est un format d'exposition qui renouvelle le genre ».
Réjean Roy, un retraité de Québec, dit avoir aimé la séance de maquillage et de coiffure imposée aux 25 citoyens pour ressembler à leurs sosies antiques.
Un appel mondial
Ce projet fou commence en 2016 en lançant un appel à tous partout dans le monde : envoyer sa photo à une plateforme numérique de jumelage. Plus de 108 000 personnes venues de partout dans le monde embarquent dans l'aventure - leurs photos en mosaïque sont d'ailleurs présentées dans la salle d'accueil de l'exposition. En parallèle, le Musée d'art et d'histoire de Genève et la Fondation Gandur pour l'Art de Genève prêtent une cinquantaine de leurs œuvres d'art antique. Un système de reconnaissance faciale entre alors en action : il permet de jumeler 25 citoyens et 25 œuvres d'art.
Entrer dans la peau de son sosie
Et c’est au photographe québécois François Brunelle, fasciné depuis toujours par le phénomène des sosies, à qui on confie les séances photo des œuvres d’art et de leurs sosies.
«
Mon défi a été de les amener à jouer un rôle, à devenir comme des comédiens pour ressembler, imiter, entrer dans la peau d'un personnage dont tout ce qu'on a c'est un portrait en pierre », explique le photographe.
En parallèle, une équipe de professionnels qui créent des prothèses faciales du Centre hospitalier de Québec produit des masques des visages des sosies et des œuvres d'art, grâce à une technologie 3D et leur expertise de pointe. Ces masques sont partie prenante de l'exposition et ils mettent en relief les ressemblances des traits entre la personne et l'œuvre d'art.
«
Nous espérons que le public aura autant de plaisir à visiter cette exposition que nous en avons eu à la préparer », a déclaré François Brunelle lors de l'inauguration.
Une grande famille
Le photographe a adoré ce concept de tracer des liens entre des personnages antiques et des gens d’aujourd’hui : «
Il n’y a pas de différence, les Grecs, les Égyptiens, les Romains, ils étaient comme nous dans le fond ! On fait partie d'une grande famille, je trouve ça rassurant, on n'est pas tout seul, on n'est pas tout seul dans le temps, et cette exposition, c'est un voyage dans le temps ».
Un voyage dans le temps, une autre façon d’admirer des œuvres d’art, une réflexion sur notre relation à l’image, à notre image, alors que les égoportraits ont envahi nos vies et nos écrans : cette exposition est tout cela en même temps. Elle pourrait bien voyager après son passage à Québec... Après tout, ces rencontres entre sosies d'hier et d'aujourd'hui transcendent siècles et frontières : elles sont universelles.