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« Mon but était d’atteindre tous les pères qui jettent souvent l’éponge. » A travers son alter ego de papier, l'auteur de la bande dessinée Les Petites victoires, Yvon Roy, raconte en réalité son histoire. Celle d'un père qui doit faire le deuil de l'enfant attendu idéal(isé), qui doit accepter et apprivoiser l'autisme de son fils, maintenir une vie de famille malgré la séparation avec sa compagne et, surtout, tout tenter pour assurer la plus grande autonomie possible à son fils.
Une fois le deuil fait, l’enfant se sent accepté et tout devient possible.
Yvon Roy dans sa BD "Le Petites victoires"
« Le livre raconte comment j’ai réagi à tout ça. Cela m'a fait l'effet d'un coup de poing dans la gueule, ou d'un match de douze rounds où tu te fais frapper tout le long », nous raconte le Québécois Yvon Roy de passage en France. Une onde de choc dont il faut se relever.
Je peux enfin faire mes adieux au fantôme de ce fils qui ne s’est jamais présenté et accueillir celui qui a décidé de venir vivre avec moi.
Yvon Roy dans "Les Petites victoires"
L'auteur-dessinateur de 51 ans raconte dans son ouvrage, toutes les méthodes éducatives qu'il a imaginées et déployées avec une énergie folle pour vaincre l'autisme de son fils et remporter au quotidien de "petites victoires" : ne plus avoir peur d'une poussière dans l'eau du bain (3 mois de travail), se regarder dans les yeux ou tout simplement se prendre dans les bras.
« C’est un peu égocentrique, nous raconte Yvon Roy. Je me suis dit que si je n’avais pas de câlin, je ne survivrais pas, je deviendrais amer, dur avec mon fils parce qu’on n’a pas de lien. J’ai dû développer chez lui la capacité au câlin et ça a été très long. Au début, il était très mécanique. » Petit à petit, le câlin n'est plus utilisé qu'en cas de crise mais devient un vrai contact affectueux entre père et fils.
« J’ai rapidement réalisé que la boîte à outils des différents intervenants orthophoniste, éducatrice spécialisée... était encore peu garnie parce que c’est une condition qui se répand de manière exponentielle aujourd’hui et qui n'est pas documentée depuis très longtemps, explique Yvon Roy. Dans les centres, ils apprennent aux enfants à vivre avec. Ce qui est une bonne chose parce que certains d'entre eux n’ont pas nécessairement la capacité de progresser beaucoup parce qu'ils sont terriblement affectés. En centre, ils n’auraient pas pu passer le nombre d’heures que j’ai consacrées à mon fils. J’ai compris qu’il y avait un avantage à ce que je développe quelque chose de complémentaire à la maison. »
Sa situation professionnelle (travailleur indépendant), et personnelle (une compagne qui gagne assez d'argent pour payer certains soins) lui permettent de consacrer du temps à son fils et de devenir « le spécialiste de son autisme ». « Il ne faut pas essayer de la sortir de sa bulle mais y entrer avec lui, se laisser inviter et une fois qu’il nous a acceptés dans sa bulle, le but c’est de l’agrandir avec lui doucement. »
Ses essais sont couronnés de succès. Les équipes qui encadrent son enfant au quotidien voient des améliorations dans son comportement et consultent même Yvon Roy pour apprendre certaines de ses techniques.
« Les mères sont souvent plus documentées que les pères, alors il y a une incurie qui se fait "tu dois faire ceci comme cela". J’ai lu cela sur internet, j’ai parlé à telle personne, tu dois faire ça comme ça. (...) Quand j’ai commencé à user de mes méthodes originales, je l’ai fait en cachette », confie Yvon Roy. Son ex-compagne avait peur, au début, qu'il mette en péril les acquis de leur fils avant qu'ils n'accordent leurs pratiques.
« C’est un environnement très féminin. On se retrouve dans des réunions où il n’y a que des femmes qui ne parlent qu’entre femmes. Et souvent, les intervenantes qui ne sont aussi que des femmes, ne s'adressent qu’à la mère. J’ai compris pourquoi les pères pouvaient abandonner un peu. Je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose qui s’adresse aux pères. »
Finalement son ouvrage s'adresse à tous, confrontés ou non à ce handicap. Il permet surtout au lecteur de prendre la mesure des difficultés que traversent les parents et les enfants autistes.
Il y a, par exemple, le regard des autres enfants. « Je ressens parfois de la honte, puis, j’ai honte d’avoir eu honte. Il me vient aussi l’envie de m’isoler avec mon fils. Ne plus sortir. Ne plus devoir faire face aux réactions des autres », raconte-t-il dans sa BD.
Il y a aussi la difficulté de laisser son fils dans un milieu scolaire classique. Un défi pour lui, les parents et les équipes enseignantes qui accompagnent l’enfant au quotidien. « Par moments, je perds patience, j’ai envie de tout casser tellement c’est difficile de lui enseigner », écrit-il dans son album.
Depuis ces premiers pas avec l'autisme qu'Yvon Roy a fini par coucher sur des planches de dessins, son fils a grandi. Aujourd'hui, il a 13 ans et poursuit ses études dans le secondaire en milieu scolaire normal qu'il a réintégré depuis l'âge de 8 ans avec une éducatrice spécialisée.
« Il est parfaitement intégré socialement et académiquement. Il a sa petite copine et il est très populaire », raconte fièrement son père qui ajoute « Monsieur et madame tout le monde ne peuvent pas savoir aujourd'hui que mon fils est autiste. Il faut qu'une personne spécialisée dans l’autisme passe pas mal de temps avec lui pour déceler son handicap. »
Un message d'espoir et surtout l'assurance pour ce père qu'il « peut m'arriver quoi que ce soit, je me dis qu'il est autonome maintenant. Il va pouvoir faire sa vie. Au final c’est une grande victoire ! »