Ici, dangereuse et toujours graphique, il explore la figure maudite du trio, autour des interprètes Philippe Chosson, Jonathan Schatz et Maëlle Desclaux. Dans un intermède violemment sonore, les deux hommes disparaissent de la vue, pour réapparaitre tout de noir vétus et encagoulés, devenus à leur tour matière noire. Emplis aussi de noirs dessins comme celui de faire disparaitre, ou peut-être d’absorber littéralement, leur comparse.
Pour cela, ils la revêtent de noir à leur image avant de l’ensevelir intégralement, comme les enfants sur la plage, dans une hâte qui n’a plus rien de ludique. Et dansent un petit pas de deux, célébrant la disparition de ce tiers féminin.
Inconfort ou réconfort ? On ne sait quand s’èlève la musique du lausannois Stéphane Vecchione, un air de fête foraine, grinçant et guilleret qui ajoute à l’étrangeté de cette mise en "terre".
Mais voilà que la matière, particules de goudron ou de caoutchouc, s’anime, se fait organique. Tel Lazare sortant de son tombeau, l’ensevelie se relève et reprend sa place dans cet univers de totale noirceur que se sont appropriés ses habitants.
On pense alors à la Route de Cormac McCarthy, un monde post-apocalyptique où chaque geste de tendresse compte triple, l’ultime bonté étant d’insérer l’autre au mieux dans le monde qui est devenu le sien. Philippe Saire a voulu, dit-il, éviter l’accablement. Raté. On sort de là, poisseux, enduit d’un collant goudron de marée noire. Ouf, on a quand même échappé aux plumes.