D'une manière générale, l'identité semble poser un problème. Ainsi, le corps est mis en jeu, déformé ou saisi dans ses détails. Souvent l'artiste s'implique, réactivant la tradition ancienne de l'autoportrait. Nan Goldin est présentée dans cette exercice : 5 grands tirages à différentes époques de sa vie, cinq épisodes de son journal intime photographique. En se montrant, dans ses amours, ses accidents ou son vieillissement, son corps raconte une histoire de vie, parle de la condition humaine.
L'intimité impudique et troublante, le besoin de dire en s'exposant, se retrouve aussi chez Marianne Müller dans sa série " A part of my life" où elle se place semi-dénudée sur un lit. Ou chez Urs Lüthi qui crée une scène étrange, comme au saut du lit, avec son épouse. L'oeuvre, de 1976, s'appelle "Ils habitent dans notre quartier depuis de nombreuses années et ce sont des gens très amicaux" . Le corps n'est pas la garantie d'une identité fixe et définitive et la photo peut exprimer ce sentiment d'étrangeté.
Parfois pourtant les corps s'imposent sans apprêts. C'est la réflexion qui vient face à trois magnifiques images de Richard Avedon extraites de sa série "In the American West" (1985). Des portraits de travailleurs qu'il est allé photographier dans l'Amérique profonde, portraits frontaux, à la fois sobres et sophistiqués comme des clichés de mode. Malgré la plastique imparfaite et les vêtements fatigués, Avedon révèle une humanité bouleversante. Celle qui résiste à la dureté des temps et que la photographie transmet avec le réalisme approprié.
Dès ses débuts, la photographie s'est attachée à reproduire le corps. Souvenirs de famille ou portrait officiel, on y fixait le plus souvent, l'être en majesté, triomphant et noble. A la fin du XXème siècle, le corps a changé, il est plus modeste, incertain et pluriel ; et comme étonné d'être toujours là, vivant, au milieu de la technique triomphante. Mais toujours dans l'urgence de s'exprimer, pour laquelle la photographie reste un langage incomparable.
Centre Culturel Suisse , Paris, jusqu'au 16 décembre 2012