Cinéma : Christopher Lee rejoint les ténèbres

A 93 ans, l'acteur britannique Christopher Lee s'est éteint jeudi 11 juin 2015. Celui qui incarna Dracula, Saroumane (Le Seigneur des Anneaux) ou encore Dooku (Stars Wars) avait sorti l'année dernière un nouvel album de heavy metal auquel nous avions consacré un article. Retour sur le parcours d'une star mordue d'art lyrique.
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Musique : Dracula, saigneur de l'art lyrique ?
L'acteur britanniqueSir Christopher Lee à Londres, le 5 mars 2010.
©AP Photo/Joel Ryan
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Décoiffer les moumoutes

Sir Christopher Lee excelle dans l'art de surprendre ses contemporains. Une vieille habitude. Elle dure depuis plus d'un demi siècle. Ainsi donc, le jour même de son anniversaire, (92 ans), l'acteur sort un nouveau disque de heavy metal ! Quand tant d'autres, à son âge, suçoteraient quelques douceurs à l'ombre d'une maison de retraite, entre deux bulles de champagnes et trois petits enfants... C'est que le bonhomme, jamais avare d'une excentricité, s'y entend pour faire frissonner son public. Et surtout, une nouvelle fois, il le prouve. "Metal Knight", sa dernière production, comporte  sept titres qui, certainement,  décoifferont les moumoutes et feront grincer quelques dentiers.

Parmi eux, deux sont interprétés en français, (une langue qu'il parle parfaitement comme l'anglais, l'italien et l'espagnol), et deux autres sont extraits de la comédie musicale américaine "L'homme de la Mancha", interprétés jadis par un autre monstre, mais de la chanson cette fois, un certain Jacques Brel .
Celles et ceux qui pensent qu'il s'agit d'un simple coup de pub font fausse route. Sir Christopher Lee possède en effet une incroyable voix de basse que ce solide gaillard d'1 mètre 92 sait parfaitement moduler avec les accords de heavy metal : "J'associe le heavy metal avec le fantastique car la musique déploie une puissance formidable" assure-t-il. Et le voici désormais reconnu par les enfants terribles du rock. Au Golden Gods Awards, en 2010, Tony Lommi, guitariste du sulfureux Black Sabbath lui remet le prix "Spirit of Metal" pour ses "services rendus au heavy metal".

Musique : Dracula, saigneur de l'art lyrique ?
Rhapsody of Fire et Christopher Lee
(capture écran you tube)
Le ténor du siècle

Son père était un militaire de carrière et sa mère une comtesse italienne, divinement douée pour la comédie, affirme-t-il. Christopher Lee commence sa carrière en 1946, au lendemain de la guerre, un peu par hasard. De la figuration, des petits rôles, rien d'exceptionnel. Sa taille de géant est alors un handicap. Difficile de lui trouver des partenaires à sa hauteur ! Celui qui sera bientôt l'inoubliable comte Dracula (1958, "Le cauchemar de Dracula " de Terence Fisher ), ne rêve alors que d'opéra. La scène plutôt que l'écran. Aujourd'hui encore, demandez lui quelle œuvre lui fouette le sang  et l'acteur s'emballera aussitôt pour "Don Carlo" de Verdi. Il estime qu'il s'agit du " plus grand opéra du monde ". C'est dans les années 50, en Suède, qu’il  découvre la puissance de sa voix. Jussi Björling , l'un des plus grands ténors du siècle, la lui révèle. Va-t-il se lancer ? Il hésite un temps mais finit par renoncer. Il ne se voit pas rester en Suède. La morsure du regret de ne pas avoir épouser une carrière dans l'art lyrique remonte à cette époque. " "Être chanteur, oui cela  a été un grand rêve pour moi, mais je ne le suis jamais devenu. Et je le regrette beaucoup, parce que j'avais ce don ", déclarait-il encore l'année dernière. Mais l'acteur, lucide, de préciser aussitôt : "Reste que si j'étais devenu un chanteur d'opéra, j'aurais probablement arrêté de chanter il y a environ 20 ans, alors que je joue toujours aujourd'hui dans les films et que j'utilise toujours ma voix".

Musique : Dracula, saigneur de l'art lyrique ?
Sir Christopher Lee aujourd'hui
(capture écran You tube)
L'impossible rêve

En 1967, Jacques Brel assiste au Carnegie Hall à une représentation de la comédie musicale "L'homme de la Mancha". Bouleversé, le poète-chanteur-acteur-réalisateur trouve dans le personnage de Don Quichotte, avec ses rêves et sa quête, un double fictionnel quasi parfait. Brel décide de l'adapter en français. Et la création a lieu en octobre 1968 au théâtre de la Monnaie à Bruxelles, avant une reprise triomphale au Théâtre des Champs-Élysées , à Paris. Et aujourd'hui , 46 ans après, Sir Christopher Lee reprend l'immortelle chanson :

Rêver un impossible rêve
Porter le chagrin des départs
Brûler d´une possible fièvre
Partir où personne ne part

Aimer jusqu´à la déchirure
Aimer, même trop, même mal,
Tenter, sans force et sans armure,
D´atteindre l´inaccessible étoile

Obtiendra-t-il un pareil succès avec cette nouvelle version, sauce heavy métal ?  A Noël dernier, son titre "Jingle Hell" a fait de lui l'artiste le plus âgé à figurer dans le classement américain des singles.  Sir Christopher Lee savoure sa nouvelle passion. Sereinement. L'ex-vampire n'a jamais craint les lumières médiatiques.