Fil d'Ariane
Réédition en format de poche de l'une des meilleures biographies de Colette. Elle est signée Gérard Bonal, disparu en 2022. Un must.
L'année 2024 commence bien : on republie un ouvrage majeur. Colette l'Affranchie appartient, en effet, à cette catégorie de livres indispensables pour qui prétend bien connaître cette écrivaine de légende. On entend d'ici soupirer le troupeau des aquoibonistes : « Quoi, encore une biographie sur Colette ! N'a-t-on pas déjà tout dit sur cette femme ? »
Holà, tout doux les bovins !
Il y a biographie et biographie.
Les charlatans du genre, si nombreux, et qui pompent leurs informations d'ouvrages en ouvrages, tous ces artisans laborieux de la synthèse, ces surfeurs de l'édition qui dégainent leur pseudo connaissances de Colette, au gré, par exemple, d'un anniversaire ou d'une vague féministe, eh bien, tous les efforts de ce beau monde ne sauraient rivaliser avec cette biographie de référence.
C'est ainsi.
On ne compare pas un grand cru avec un soda. Et Gérard Bonal, si l'on étire encore un peu la métaphore, était un vigneron d'exception. Il récoltait avec soin les fruits de son travail au pied même de la vigne, c'est-à-dire auprès de la famille de la géniale artiste. Ami intime de Colette de Jouvenel, la fille de Colette, Gérard Bonal a rédigé cette biographie d'une main de maître en s'appuyant sur les documents les plus intimes de l'artiste. Il ne se servait pas de Colette comme un voleur se sert d'une échelle, lui. Il pensait Colette, vivait Colette. Il servait une œuvre sans jamais se servir d'elle.
Finaliste du Prix Fémina en 1993 et 2017, président de la Société des amis de Colette et fondateur des Cahiers de Colette, Gérard Bonal, disparu en 2022, connaissait Colette non par cœur mais par le cœur. Aussi, chacune des phrases de son ouvrage est poreuse d'une émotion particulière sans que jamais, vraiment jamais, la moindre complaisance sur son sujet ne s'immisce dans son travail. La rigueur avant tout.
A cela, une explication.
Frédéric Maget nous la donne dans la préface de cet ouvrage.
L'ami fidèle de Gérard Bonal, qui est aujourd'hui sans aucun doute l'un des plus fins connaisseurs de Colette au monde, nous révèle que c'est dans la bibliothèque de son école parisienne que Gérard Bonal, alors adolescent, fit la connaissance de l'écrivaine.
L'actuel directeur de la Maison de Colette à Saint-Sauveur-en-Puisaye nous apprend que cette rencontre fut bien plus qu'un coup de foudre. Ce fut un séisme émotionnel, un de ces instants où l'on comprend que sa vie, littéralement, est en train de basculer. Gerard Bonal venait d'entrer dans la lumière littéraire de Colette. Elle illumina sa vie.
Comble de bonheur, cette émotion ne perdit jamais de son intensité mais, bien au contraire, elle augmenta encore au fil des ans et au gré de ses découvertes. Gardien du temple à sa manière, le romancier et biographe qui consacrait sa vie à faire connaître son grand amour littéraire, ne pouvait tolérer les charlatans qui, par des propos approximatifs ou vérolés de clichés, se permettaient d'évoquer mal une œuvre si vitale à son coeur.
Frédéric Maget écrit : « Passionné, il flétrissait dans une même phrase les « diafoirus » qui examinent l’œuvre aux moyens de termes hermétiques et ôtent aux textes toute leur sève comme certains « fervents lecteurs » à la paresse invétérée qui ressassent « les mêmes platitudes champêtres « et dont la vue courte « n'accommode que sur les gros premier plans, ignorant de la sorte les éloignements et les profondeurs »... « Sa » Colette à lui est rayée d'ombre et de lumière et « sa » biographie comme une fenêtre ouverte sur un jardin, accessible à toutes et à tous ».
On ne saurait mieux dire.
Avec Colette l'affranchie, nous sommes avec cette bourguignonne de légende et marchons à ses côtés. Nous voici donc à Saint-Sauveur-en Puisaye avec Sido sa mère « possessive, envahissante », nous faisons la connaissance de ce Willy, premier mari de Colette et personnage sans scrupules ni remords qui lui a volé « son nom, ses livres et même sa jeunesse » et nous sommes aux premiers loges pour assister à ses triomphes de scène, de plume et d'amour.
Pour Cocteau, Colette relève « du règne animal et végétal ». Tout de même, quelle existence magnifique que celle de cette autodidacte ! Quelle chance nous avons de pouvoir nous immerger dans son œuvre si somptueuse , si savoureuse !
« Je veux faire ce que je veux » clamait haut et fort l'écrivaine qui ne prisait rien tant que la liberté, sa liberté. Elle a réussi. Elle s'est tenue parole.
On a peut-être tout dit sur Colette mais, avec Gérard Bonal, on ne l'a jamais si bien dit.
Merci à lui ... et à Frédéric Maget de poursuivre ce travail indispensable pour la bonne connaissance de cette artiste d'exception.
Date de parution : 05/10/2023
Collection : Les Grandes Biographies
Nombre de pages : 544
Prix : 17 euros