Fil d'Ariane
Pour sa 30ème édition, le festival français de musique des Vieilles Charrues a programmé un quatuor de rappeuses avec Laeti, Bianca Costa, Le Juiice et Chilla, pour pousser les femmes à monter sur scène dans ce milieu qui reste très masculin. Elles ont mis le feu, à commencer par Laeti, récemment révélée par la série Validé.
Le 14 juillet, la rappeuse Laeti a enflammé le public des Vieilles Charrues, à Carhaix-Plouger, en Bretagne, dans l'ouest de la France. Un nouveau pas vers les étoiles pour cette jeune femme à l'enfance difficile, tout juste sacrée single d'or, qui a "des rêves plein la tête". "Elle a mis le feu et c'est une femme. Il n'y en a pas souvent dans le rap ou alors elles sont en carton. On attendait ça, elle déchire", applaudit une spectatrice.
"Le rap c'est la nouvelle chanson française, mais il y a encore beaucoup d'hommes en tête d'affiche et les femmes ont du mal à se faire une place. On a envie de pousser la jeune génération de filles à monter sur scène, explique Jeanne Rucet, programmatrice.
Laeti c'est une boule d'énergie, elle vient du free-style, elle est très forte en impro. Il y a des textes très incisifs et des raps plus intimistes où elle parle beaucoup d'elle", ajoute-t-elle.
Dans le rap, musique la plus écoutée et vendue en France, Laeti aime les "kicks, snare (son de beatbox, ndlr), le débit, le rythme" ainsi que "l'authenticité". A 28 ans, celle qui fut révélée en 2019 dans Validé, première série télévisée française sur l'univers trouble du rap, enchaîne désormais les scènes des plus grands festivals avec son premier album Un jour avec, un jour sans. "J'ai pris des coups mais j'suis debout et à chaque fois j'me suis relevée", lance en sautant sur scène Laetitia Kerfa, alias Laeti, jogging et baskets blancs.
Née à Paris d'une mère algérienne et d'un père guadeloupéen, Laeti ne s'étend pas trop sur son enfance "compliquée... comme pour beaucoup de jeunes", dit-elle. Discrète, elle confie avoir été placée en foyer, avoir été sans domicile, "dormant souvent chez des copines", avant de rencontrer le succès fulgurant qui lui a valu de voir sa photo affichée partout dans l'espace public. "J'avais le syndrome de l'imposteur, mais mes proches étaient là pour me dire que c'était mérité", avoue-t-elle.
Quand on naît femme, on se bat un peu plus que les hommes. Je n'ai pas l'impression que ce soit spécifique au rap, j'ai souffert d'être une femme partout.
Laeti, rappeuse
C'est en voyant un ami rapper à la bibliothèque du Lycée autogéré de Paris, où elle est scolarisée, qu'elle se lance dans l'aventure rap. Elle enchaîne alors open mics et concours de free-style avec le collectif Keskiya. En 2019, son chemin croise celui de la metteuse en scène Marion Siéfert, avec qui elle co-écrit la pièce Du sale. En interprétant cette pièce semi-autobiographique au théâtre de la commune d'Aubervilliers, elle est repérée par l'acteur et réalisateur Franck Gastambide, "qui flashe sur elle" et en fait l'héroïne de la saison 2 de Validé.
"C'est une personne entière, elle prend la vie à 2 000% et elle a un très fort caractère. C'est ce qu'il faut dans le milieu 'urbain' un peu misogyne, très très masculin", souligne Factor, son producteur. Longtemps bercée par les classiques du rap français, elle est aussi fan de Manu Chao. "Enfant, j'ai écouté beaucoup de zouk, de raï, du reggae, du rock, du classique et mon rap est le reflet de tout cela, très éclectique, acoustique, parfois très reggae, punk ou drill", raconte-t-elle.
Soyez ridicule et vous serez super.
Laeti, rappeuse
Interrogée sur la place des femmes dans le rap, Laeti estime que "quand on naît femme, on se bat un peu plus que les hommes... Je n'ai pas l'impression que ce soit spécifique au rap, j'ai souffert d'être une femme partout", assure-t-elle. "Soyez ridicule et vous serez super", lance pour finir celle qui se voit bien, plus tard, "au Super Bowl avec Lady Gaga".
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