Fin des jauges, reprise des concerts debout... le monde du spectacle vivant renaît petit à petit de ses cendres. Mais les protocoles sanitaires et la menace du variant Delta laissent planer le doute quant à la bonne tenue de ces événements. Témoignages de responsables de festivals.
Il flotte comme un air de monde d'avant. Cannes déroule son tapis rouge, les acteurs foulent de nouveau les planches d'Avignon, des scènes fleurissent un peu partout dans l’Hexagone. Mais à l'heure de la reprise des spectacles, les festivals jonglent entre règles sanitaires et incertitudes pour tenter de rester debout cet été.
Il fallait faire le festival quoi qu'il arrive
Hugues Kieffer, directeur du Marseille Jazz Cinq Continents
"Il fallait faire le festival quoi qu'il arrive". Hugues Kieffer, directeur du Marseille Jazz Cinq Continents travaillait depuis très tôt à son édition 2021. Lors de précédentes éditions, le festival a accueilli des pointures comme Norah Jones ou Ibrahim Maalouf dans des lieux phares de la cité phocénne, à savoir le Mucem, les jardins du palais Longchamp ou le musée Cantini.
Mesures changeantes
Pour Hugues Kieffer, "un festival ça ne se construit pas à la dernière minute. Le directeur du festival de jazz a quand même prévu tous les scénarios possibles pour construire cette édition : une programmation franco-européenne pour éviter de faire face à des restrictions de déplacements, une jauge réduite, ou une configuration assise avec "moins de groupes festifs et dansants pour avoir une programmation plus axée sur l'écoute."
Ce n’est pas en huit jours que l’on vend 1500 places.
Jean-Louis Grinda, directeur des Chorégies d'Orange
Après avoir été contraints d'annuler leur édition 2020, les Chorégies d'Orange ( un festival d'art lyrique dans le Sud de la France) ont aussi dû faire face à un autre défi : gérer le report des billets achetés et prendre en compte la distanciation sociale dans l’aménagement du festival.
Pour le directeur Jean Louis Grinda, pas question de trouver un autre lieu : "Orange, c’est le théâtre antique et puis c’est tout." Il a donc multiplié les calculs pour "replacer tous les gens en respectant cette distanciation", pour qu’au final, la levée des jauges soit confirmée le 30 juin par le gouvernement. "Mais ce n’est pas en huit jours que l’on vend 1500 places", regrette Jean-Louis Grinda.
Des dépenses supplémentaires pour la sécurité sanitaire
Une des conditions majeures pour la tenue des festivals: l'application des règles sanitaires. Pour Hugues Kieffer, cela s'est traduit par des investissements en tout genre. "
Entre l'achat de matériel pour la signalétique, l'embauche de personnes chargées de veiller au respect des règles... ça génère un budget supplémentaire qu'on a du mal à estimer."
"
Les fonds consacrés aux normes sanitaires sont minimes par rapport à la perte financière en terme de spectateurs", détaille de son côté Jean-Louis Grinda. Pour lui, cette année se jouera à perte, d'environ 1,2 millions d'euros selon ses estimations. "
Tout ça se fait en toute connaissance de cause", ajoute-t-il.
Il compte sur les différentes aides financières et subventions pour garder la tête hors de l'eau. Son plus gros malus : le pass sanitaire. Si les choses se sont mieux passées qu’il le pensait au niveau du déploiement du dispositif "
il est évident que cela nous fait perdre des spectateurs", explique-t-il. Il estime qu’environ 25% des gens ont renoncé à venir au festival en raison de cette mesure.
Inquiétude sur la progression du variant Delta
De son côté, Hugues Kieffer considère que le pass sanitaire, obligatoire au Marseille Jazz des Cinq Continents sur tous les sites au délà de 1000 places est "
globalement bien accepté." Il s’inquiète cependant de la progression du variant Delta dans l’Hexagone. Cette "
incertitude supplémentaire" pourrait être désastreuse pour la tenue des festivals. "
C’est vraiment cette incertitude qui peut nous faire basculer en termes économiques."