Fil d'Ariane
Le Festival d'Avignon juge "inacceptable" les "agressions verbales et physique à caractère raciste" contre du spectacle "Carte noire nommée désir". Son autrice Rébecca Chaillon y interroge les fantasmes autour du corps des femmes noires. Il a été qualifié par la critique de "spectacle choc" de la 77e édition du célèbre festival de théâtre.
Photo prise au mois de juillet durant une représentation sur scène de la pièce "Carte noire nommée désir" de Rébecca Chaillon durant la 77e édition du Festival d'Avignon.
"Depuis le 20 juillet 2023 à Avignon, les interprètes de “Carte noire nommée désir” de Rébecca Chaillon, spectacle théâtral et performatif qui pose la question de la place des femmes afrodescendantes dans la société française, font face lors des représentations mais aussi dans les rues à des agressions verbales et physiques à caractère raciste", indique le festival sur son site internet.
Dans ce communiqué mis en ligne mardi 25 juillet, "Le Festival d'Avignon affirme "qu'il est inacceptable de laisser sous silence ces déferlements de haine et témoigne de sa solidarité et de son soutien aux artistes" de ce spectacle.
"Carte noire nommée désir", qui s'est terminé mardi à Avignon, va être repris à Paris à partir du 28 novembre par le théâtre de l'Odéon, qui a également dénoncé les "agressions verbales et physiques" dont ont été victimes les artistes.
Au début du spectacle, on invite les femmes noires du public à prendre place sur des canapés alors que le reste des spectateurs sont installés sur les gradins habituels. Décortiquant les stéréotypes et les clichés, Rébecca Chaillon, artiste d'origine martiniquaise, incarne une employée de ménage, qui se livre à un nettoyage frénétique du plateau blanc; par la suite; elle se dénude et les autres performeuses lui font d'énormes tresses qu'elle gardera jusqu'à la fin du spectacle.
Une autre performeuse incarne "une nounou qui empale sur un pieu qui lui traverse le corps tous les enfants français qu'on lui confie", rapporte pour sa part le site de spectacle vivant Sceneweb. Cette image a suscité une polémique sur les réseaux sociaux.
C’est l’une des plus grandes manifestations théâtrales au monde. L’édition 2023 a réuni près de 115.000 spectateurs ont annoncé les organisateurs. Débutée le 5 juillet, la 77e édition de cet évènement a été marqué par une "prévision de fréquentation totale" de "114.600 entrées", contre 105.260 en 2022. Soit un "taux de fréquentation de 94%" pour les entrées payantes. Cette 77e édition s'est signalée avec "56 % des projets portés ou co-portés par une femme".
Cette année, le festival s'est déroulé sur 21 jours (un jour de plus qu'en 2022), pour la première fois sous la conduite du nouveau directeur Tiago Rodrigues, qui a succédé à Olivier Py (2013-2022). La programmation a ainsi mis en lumière deux metteuses en scène pour l'ouverture. Dans "Welfare", Julie Deliquet, directrice du Théâtre Gérard Philipe-Centre Dramatique de Saint-Denis, a braqué les projecteurs sur les marginaux, dans la cour d'honneur du Palais des papes. De son côté, la chorégraphe de hip-hop Bintou Dembélé a fait déambuler interprètes et spectateurs avec sa performance "G.R.O.O.V.E."
Le festival fut aussi placé sous le signe de l'anglais, avec des pièces des dramaturges britanniques Tim Crouch, Alistair McDowall et Alexander Zeldin, Tiago Rodrigues ayant lancé l'idée des langues invitées.
En 2024, la langue invitée sera l'espagnol, qui "à l'image de l'anglais est une langue européenne avec une présence globale", a indiqué Tiago Rodrigues. "Il y a aussi une relève artistique en Amérique du Sud, qui n'a pas été encore été découverte au niveau européen", a ajouté le directeur.
L'édition 2024 accueillera notamment le metteur en scène argentin Mariano Pensotti. Parmi les autres artistes déjà annoncés, il y aura Caroline Guiela Nguyen ("Lacrima"), révélée en 2017 avec sa pièce "Saïgon" tandis que Tiago Rodrigues présentera en avant-première une "création originale", "Hécube" à partir de l'oeuvre d'Euripide avec la Comédie Française. Le festival commencera plus tôt l'an prochain, le 29 juin, en raison des Jeux olympiques de Paris, pour s'achever le 21 juillet, avec deux jours de plus par rapport à l'édition 2023.