Fil d'Ariane
Françoise Hardy est morte à 80 ans après un long combat contre le cancer, ce 11 juin 2024. Sa vie durant, malgré les succès et les honneurs, la chanteuse n'aura jamais été dupe : ni du show-biz, ni de la gloire, ni même de l'amour. Voici cinq infos personnelles et méconnues sur la vie de cette grande artiste.
On est bien peu de chose
Et mon amie la rose
Est morte ce matin
La lune cette nuit
A veillé mon amie
Moi en rêve j'ai vu
Éblouissante et nue
Son âme qui dansait
Bien au-delà des nues
Et qui me souriait
Née le 17 janvier 1944, Françoise Hardy est la fille de Madeleine Hardy, aide-comptable, qui l'élève seule avec Michèle, sa sœur cadette. Son père se nomme Étienne Dillard. Il est directeur d'une fabrique de machines à calculer et mène une double vie. Déjà marié, il honore très irrégulièrement ses pensions et laisse la mère se débrouiller seule, à une époque où ce type de situation familiale
Françoise Hardy avec son père, Étienne Dillard
est très mal vu : "J’avais honte de moi, honte de mon milieu, honte de notre 'anormalité' sociale. Je croyais mes parents divorcés, ce qui était très mal vu dans l’école religieuse où mon père avait voulu que nous soyons éduquées, ma sœur et moi.(...) le sentiment de honte m’a accompagnée toute la vie – réussite professionnelle ou notoriété n’y changent rien., confiera-t-elle à Annick Cojean, journaliste au quotidien Le Monde, en 2018.
Françoise Hardy découvrira tardivement l'homosexualité de ce père qui, à 80 ans passés, avait recours à de jeunes prostitués. À sa mort, on le trouve inconscient au milieu de ses déjections. Dans son livre Le désespoir des singes (Robert Laffont, 2009), l'artiste précisera qu'il "avait été assommé par l'une de ses victimes en quête d'argent."
En octobre 1962, Françoise Hardy suit les cours du Petit Conservatoire de la chanson dirigé par Mireille. C'est une sorte de Star Ac' avant l'heure, où défilent des jeunes auteurs, compositeurs et interprètes professionnels de la chanson.
L'idée de ce Petit conservatoire vient de Sacha Guitry qui déplore que personne n'ait songé à "enseigner le chant à tant de malheureux, à tant de malheureuses, qui piaillent vainement, qui hurlent sans raison ou qui bêtifient".
L'émission est diffusée par la télévision française sur la première et unique chaîne. Lors de la soirée du 28 octobre 1962, "Mademoiselle Hardy", comme Mireille l'appelle, chante l'une de ses compositions mélancoliques : Tous les garçons et les filles. Coup de chance pour l'artiste débutante : ce soir-là, les Français sont devant leur poste. Ils attendent les résultats du référendum sur l'élection au suffrage universel direct du président de la République. Ce coup de projecteur inouï sur la chanson produit son effet. Dès le lendemain, la radio passe le titre sur les ondes et à la fin de l'année 1962, un demi-million d'exemplaires du 45 tours seront vendus. Un an plus tard, fin 1963, le million est atteint ! Merci qui ?
C'est lors du tournage de L'important c'est d'aimer (Andrzej Żuławski, 1975) que son mari Jacques Dutronc mène une liaison avec la star allemande. Il raconte au journaliste Michel Denisot dans Vanity Fair : "Romy était totalement sincère. Le film ne s'arrêtait pas après les prises. Elle aimait la personne qu'elle devait aimer dans le film. Elle vivait le film en dehors, donnait tout sans recevoir en retour. Une femme extraordinaire. Rien à voir avec les autres actrices, factices, pasteurisées." Mais cet embrasement s'éteint avec la fin du tournage. Jacques Dutronc confie au journaliste : "À la fin du tournage, je n'ai pas été très honnête ; parce que Françoise, c'est Françoise, je n'allais pas la quitter pour Romy Schneider. C'était une femme blessée, et en tournant ce film-là, j'en ai blessé une autre : la mienne".
Françoise Hardy savait cette liaison. Dans son autobiographie, Le Désespoir des singes… et autres bagatelles, elle écrit avec tact : "Lui si secret, si discret sur sa vie personnelle, me confia des années après que l'une de ses partenaires de cinéma, aussi célèbre que ravissante, l'avait invité un dimanche à déjeuner dans le restaurant d'un hôtel où elle avait réservé une chambre pour qu'ils concluent l'après-midi en beauté. Que l'on dispose ainsi de lui l'avait braqué et la jeune personne en avait été pour ses frais." La "jeune personne", on le sait désormais, se nommait Romy Schneider...
Bob Dylan, Françoise Hardy en était fan. En 1966, elle se rend à l'Olympia pour écouter la star américaine et le rencontre. Elle est effrayée par sa maigreur et son air malade. De plus, le concert est raté. En 2018, elle confiera à Vanity Fair : "J’ai réalisé seulement il y a un an qu’il faisait une sorte de fixation romantique sur moi grâce à des lettres qu’il m’a écrites sans jamais les mettre à la poste". Les brouillons de ces lettres "For Françoise Hardy" lui parviendront bien des années plus tard. Au micro de Nagui sur France Inter, en 2018, elle évoquera l'affaire : "C'est douloureux ce qu'il dit. Il parle de la distance géographique qui rend les choses impossibles et que, peut-être, cela n'a aucune valeur de tomber amoureux d'une photo mais il dit aussi qu'il n'a pas besoin de me connaitre pour savoir qui je suis".
Le chanteur américain de folk Bob Dylan fume en conférence de presse à l'hôtel George V à Paris, le 23 mai 1966.
Après avoir vaincu un premier cancer du système lymphatique, puis du larynx, Françoise Hardy affronte un cancer du pharynx. Une épreuve terrible : "Les 45 radiothérapies que l'on m'a envoyées de gauche à droite du bas de la tête et les dix autres de haut en bas, ont détruit ce qui permet d'irriguer la bouche, la gorge, le nez, les oreilles, les yeux et le cuir chevelu", confiait-elle à RTL, en 2022. Je vous laisse imaginer les problèmes incurables que cela pose..."
Aussi, favorable à l'euthanasie, la chanteuse interpelle directement le président de la République dans La Tribune début décembre 2023 : "Vous le savez, une grande majorité de gens souhaitent la légalisation de l’euthanasie. Nous comptons tous sur votre empathie et espérons que vous allez permettre aux Français très malades et sans espoir d’aller mieux de faire arrêter leur souffrance quand ils savent qu’il n’y a plus aucun soulagement possible".
Si Françoise Hardy, avec courage et pugnacité, interpellait ainsi le Chef de l’État, c'est qu'elle gardait en mémoire le cas de sa mère, atteinte de la maladie de Charcot. Elle "a confié à son médecin son aspiration à ne pas aller au bout de cette horrible maladie, écrit-elle. Il lui a dit de ne pas s’inquiéter et que quand elle le souhaiterait, il ferait le nécessaire... Elle a fixé la date, et il lui a fait prendre chaque soir des sept jours précédents un médicalement calmant. Ma mère a donc été euthanasiée le jour de son choix".
Une confidence importante et très courageuse puisque, il faut le rappeler, l’euthanasie active et le suicide assisté ne sont pas (encore) autorisés en France. Juste avant de s'éteindre, est-ce que Françoise Hardy s'est remémoré la réaction de son fils Thomas qui lui interdisait de mourir, elle et son père ? Son fils lui avait dit : "Débrouillez-vous comme vous voulez, je refuse catégoriquement que vous mouriez. Ou alors quand vous aurez 110 ans, parce que j’en aurai 81..."
C'est son fils qui, en ce 11 juin 2024, a annoncé sur les réseaux sociaux la mort de Françoise Hardy ... à 80 ans.
(Re)lire aussi dans Terriennes :
"Haut les filles" : de Françoise Hardy à Jeanne Added, le rock féminin impose ses gammes
Juliette Gréco est morte : lettre ouverte à une artiste d'exception
Dani : de "garçon manqué" à "boomerang", une artiste inclassable et touche-à-tout
Joséphine Baker : une femme pionnière et inspirante entre au Panthéon