Histoire : quarante morts "ridicules" de grands hommes

Un ouvrage recense quarante personnalités historiques mortes dans des conditions souvent indignes de leurs oeuvres. Henri III, Cyrano de Bergerac, Felix Faure, Vatel, Attila, Abraham Lincoln, ont ainsi tous un point commun : celui d'avoir raté leur sortie. Réjouissant.
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"Que ces grands hommes soient rois, politiques, artistes, intellectuels ou religieux, aucun n'est épargné par les mauvais tours du destin ni par l'ironie de l'Histoire" affirment Dimitri Casali et Céline Bathias
(thinkstock photo)
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Ne pas se fier au titre provoc de l'ouvrage.
"Les morts à la con de l'Histoire" (Editions de l'Opportun) est un livre à la fois solide et léger. Ecrit par deux historiens de renom, Dimitri Casali et Céline Bathia, l'ouvrage est une mine de révélations souvent politiquement incorrectes... et jubilatoires. "Des héros se trouvent privés de leur statut d'hommes illustres par le hasard d'un trépas subit. D'autres, plus chanceux, restent dans l'Histoire pour leurs grands succès en dépit d'une sortie de scène ratée" préviennent les auteurs. Reste qu'on ne choisit pas toujours sa façon de quitter le monde.
Et le destin recèle de malices insoupçonnées.
 

L'on mangea comme si un grand deuil n'était pas inopinément tombé sur la cuisine
                                                                                           La marquise de Sévigné
François Vatel
François Vatel, de son vrai nom Fritz Karl Watel, né à Tournai le 17 janvier 1631 et mort à Chantilly le 24 avril 1671

Henri III est frappé d'un coup de poignard porté par Jacques Clément, un moine dominicain alors qu'il fait ses besoins sur sa chaise percée. Il décèdera le lendemain, le 2 août 1589.
François Vatel, 40 ans, organisateur des festins de Louis XIV, "empoigne son épée, la cale contre la porte et se la passe à travers le corps. Il doit s'y reprendre à trois fois avant de finalement rendre l'âme" écrivent les historiens.
Pourquoi ce geste désespéré ? C'est que Vatel, épuisé et désespéré, avait la certitude qu'il ne pourrait servir le dîner royal, prévu le soir même à Chantilly. 
Les chargements de poissons, tant attendus, arrivèrent pourtant au moment même où il décédait.
Trop tard.
Evoquons  la mort stupide d'Ambroise Vollard, l'un des plus célèbres marchands d'art au monde, qui organisa, entre autres,  les première expositions de Van Gogh, Cézanne, Picassin, Gaugin...
Le 22 juillet 1939, la voiture de ce richissime marchand de tableau est sujette à d'importants soubressaults. Il reçoit sur la tête une statuette en bronze de Maillol qui était calée sur la plage arrière. Le collectionneur décède sur la coup, la nuque brisée.


La pompe funèbre de Félix Faure

Margeurite et Félix Faure
Marguerite Steinheil et Félix Faure. Après la mort dans des circonstances pour le moins insolites du président de la République, on prêtera ces mots à Geoges Clémenceau : "Il se voulait César mais ne fut que Pompée "
(capture d'écran)

 

Felix Faure, 58 ans, président de la République, attend sa maitresse, Marguerite Steinheil le 16 février 1899. La belle "Meg", comme il la surnomme, connait les jeux érotiques dont raffole son amant. Ils se retrouvent dans le salon bleu de l'Elysée, une pièce discrète du rez-de-chaussée du palais. Marguerite, en guise d'appéritif, lui prodigue une fellation dont elle a le secret. Mais tout à coup, un cri alerte le chef du cabinet, qui se précipite dans le salon.
Spectacle improbable : Felix Faure gît, inanimé sur le divan. A ses côtés, sa maitresse, nue,  "tentant de détacher ses cheveux qui se sont pris dans le pantalon du président". Felix Faure, victime d’une hémorragie cérébrale, est mort foudroyé en plein orgasme. L'incroyable nouvelle se répand dans Paris.  Les chansonniers  gratifient Marguerite Steinheil du doux surnom de "pompe funèbre" et Georges Clémenceau, farouche adversaire politique, fait un mot resté légendaire :
 

" Felix Faure est retourné au néant, il a dû  se sentir chez lui".
 

La dernière conquête d'Attila


Attila, polygame fièvreux (plus de 100 femmes), surnommé "le fléau de Dieu" tant sa férocité s'illustrait dans ses combats, n'aura pas survécu à son dernier mariage. Le vieux conquérant, qui a largement dépassé  la cinquantaine, tombe
Attila
Attila (395-453), mort d'une crise d'apoplexie hémorragique
 amoureux d'Idilco, une beauté d'à peine seize ans, fille de roi.
Cette dernière union lui sera fatale.
Au printemps 453, le chef hun se marie avec elle.
La cérémonie, comme il se doit, est orgiaque. Il coule des torrents d'alcool et Attila, écrivent Dimitri Casali et Céline Bathias, "accueille lui-même ses invités et vide une coupe à la santé de chacun d'eux. Et ils sont légion !".

Après cette  beuverie hors norme, il entraîne sa nouvelle épouse dans la suite nuptiale. Et la porte se referme sur leurs amours. Les heures passent. Attila ne réapparaît pas. On frappe à la porte. Aucune réponse. Des soldats finissent par défoncer la porte à coup de hache. "Dans la chambre nuptiale, Attila est allongé au milieu de fourrures, le visage en sang. Raide mort... Prostrée dans un coin de la pièce, sa jeune épouse est secouée de sanglots. " Le chef guerrier, après avoir vomi, est mort étouffé dans son propre sang devant son épouse, choquée et impuissante.
Noces de sang.

Cyrano de Bergerac ou la généreuse imposture

Dans le cas Cyrano de Bergerac, les auteurs dépoussièrent la légende. Non, ce libre-penseur n'était pas gascon, mais parisien, il n'était pas davantage hétérosexuel mais homosexuel et on ignore si son visage bénéficiait "d'un appendice nasal
Cyrano de Bergerac
Cyrano de Bergerac  (1619-1655)

disproportionné".  Mais ce libre-penseur est surtout connu pour sa comédie Le Pédant joué, son Histoire comique des États et Empires de la Lune le 6 mars 1619.
Hercule Savinien Cyrano de Bergerac ne connaitra la postérité que grâce au génie de l'écrivain Edmond Rostand dans la pièce éponyme. 
D'ailleurs, ce nom de Bergerac est usurpé. Il s'agit du nom de la propriété familiale située dans la vallée de Chevreuse !
Cyrano "démon de la bravoure" est blessé en 1639 au siège de Mouzon d'" un coup de mousquet à travers le corps ".
Il est à nouveau blessé en 1640 lors du siège d'Arras, d' "un coup d'épée dans la gorge ". Cette dernière blessure le contraint de quitter l'armée.
Attentat ? Simple accident ?  Cyrano est grièvement blessé en 1654 par la chute d’une poutre en bois alors qu’il entre dans la maison de son protecteur, le duc d’Arpajon. Abandonné par ce dernier, il trouve refuge chez Tanneguy Renault des Boisclairs chez qui il agonise pendant plusieurs mois. Il décède au mois de juillet 1655. Il a 36 ans.

Un ouvrage qui  s'apprécie comme une gourmandise et qui permet de jetter une lumière un peu vive, parfois crue, sur les coulisses  méconnues de l'Histoire.
A déguster sans modération.


 

Livre les morts à la con de l'histoire

Les morts à la con de l'Histoire
 de Dimitri Casali et Céline Bathias

Les éditions de l'Opportun
12,90 euros