Claire, aérée, habitée et majestueuse. Une entrée voulue impressionnante grâce aux imposantes statues des Dieux de l’Olympe, habituellement conservées dans les écuries de Versailles et restaurées pour l’occasion. On n'entre pas par effraction chez les figures de la mythologie. On y est invité….
C’est qu’il faut se glisser dans un sacré héritage qui a irrigué Histoire et Arts depuis des millénaires. Convoquer Homère, c’est convoquer l’Art et les artistes tant l’Iliade et l’Odyssée ont influencé les créateurs jusqu’à aujourd’hui.
Au XVIIIème siècle, tremblement de terre dans la mythologie. Quelques scientifiques se mettent à douter : Homère a-t-il existé ? Un seul individu a-t-il pu écrire cette somme et la porter intacte à travers la Grèce comme la légende l’affirme ? L’Iliade et l’Odyssée que nous étudions encore comme des textes fondateurs sont-ils vraiment ceux écrits au VIIIème siècle avant Jésus Christ ?
Ils seront nombreux à douter. Premier à lancer la polémique, le philologue allemand Wolf en 1795 : son Prolegomena ad Homerum écrit en latin lance la question homérique. Sa théorie : composées en Grèce avant l’écriture, l’Iliade et l’Odyssée ont été largement remaniées par leurs nombreux conteurs. Fixées bien longtemps après leur composition, elles ont subi de nombreuses modifications. « L'Homère que nous tenons dans nos mains n'est pas celui qui fleurissait sur les lèvres des Grecs de son temps, mais un Homère altéré, interpolé, corrigé depuis l'époque de Solon jusqu'aux Alexandrins », explique Luc Piralla, co-commissaire de l'exposition Homère.
Le scandale est immense. Les savants, divisés entre "unitaristes" et "analystes", fourbissent arguments et contre-arguments. La querelle s’apaise pour mieux reprendre dans les années 1920 avec les travaux de Milman Parry, un philologue américain qui fait sa thèse en Sorbonne à Paris. Son étude sur le « nom+épithète » utilisé dans l’Iliade et l’Odyssée montrerait un système traditionnellement utilisé dans la poésie orale, technique qui permettrait l’improvisation dans les vers chantés. Ce système prévaut dans de nombreuses cultures, comme celles des Balkans, qui utilisent largement l’oralité pour transmettre des œuvres fleuves.
Pourquoi ce rappel à la question homérique ? Parce que cette célébration au musée du Nord s’appuie sur ces questionnements pour tenter d’en faire le tour. Avec une ambition double : être exhaustif mais accessible, vaste tâche…
Selon Alexandre Farnoux, directeur de l'école française d'Athènes et co-commissaire d'exposition :
Cette exposition fait le point sur ce que l'on sait d'Homère, des origines de son œuvre et sur la manière dont elle a rayonné de manière constante dans l'imaginaire collectif et l'art.
Rien d’étonnant, répond Marie Lavandier, directrice du musée :
L’exposition est fidèle à Le Louvre Autrement, qui veut juxtaposer des objets habituellement séparés.
Les peintres Ingres, Rubens ou Chagall, les poètes et auteurs comme Victor Hugo, jusqu’au caricaturiste Daumier…Ils sont nombreux les artistes convoqués à Lens pour leur faire avouer l’influence homérique.
"On a une fascination pour le monde des héros. Pourquoi ? Parce que c'est le monde de la bravoure, de la fidélité, de la constance et de l'endurance. Autant de valeurs éminemment positives", explique Alexandre Farnoux, co-commissaire de l'exposition.