Jane Birkin, la muse anglaise devenue icône culturelle française

La plus française des artistes britanniques est décédée à l'âge de 76 ans. La chanteuse et comédienne Jane Birkin a été retrouvée sans vie à son domicile parisien, ce dimanche 16 juillet. Elle avait récemment annulé des concerts pour raisons de santé.

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L'actrice et chanteuse britannique Jane Birkin au Cabala, le 25 novembre 1972

L'actrice et chanteuse britannique Jane Birkin au Cabala, le 25 novembre 1972.

AP Photo/Gianni Foggia
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Jane Birkin voit le jour 14 décembre 1946 à Marylebone, en plein coeur de Londres, dans une famille d'artistes. Elle débute sa carrière d'actrice à 17 ans, dans une pièce de théâtre de Graham Greene, puis dans une comédie musicale, Passion Flower Hotel, dont la musique est composée par John Barry. Elle épouse en secret le compositeur en 1967, père de sa fille aînée Kate Barry et le seul de ses compagnons avec lequel elle s'est officiellement mariée.

Cette même année, elle obtient un rôle marquant dans le film Blow-Up de Michelangelo Antonioni. Un rôle qui fera scandale pour sa nudité assumée. 

L'Anglaise s'installe en France quelques mois plus tard pour y poursuivre sa carrière. En 1968, elle y rencontre lors d'une audition pour le film Slogan celui dont le nom sera associé au sien pour une longue période, Serge Gainsbourg.

Une voix qui a marqué la chanson française

Ils deviendront l'un des couples mythiques de la scène artistique française. 

"J'ai aimé Serge jusqu'au bout. (...) Il avait quelque chose qui n'était pas du tout commun parmi les auteurs et les poètes, il était délicieusement marrant. Il nous faisait pleurer de rire", se souvient-elle de cette époque.

Elle est sa muse, il sera son mentor, et composera pour elle tout un album en 1969, sur lequel figure notamment le duo Je t'aime ... moi non plusLà aussi, le titre fait scandale et est même interdit dans certains pays. Le Vatican qualifie même la chanson d'"obscène". La chanson est malgré tout un succès commercial en France et à l'étranger, et devient au Royaume-Uni le premier single banni et en langue étrangère à atteindre la première place des classements britanniques.

"J'ai aimé Serge jusqu'au bout. (...) Il avait quelque chose qui n'était pas du tout commun parmi les auteurs et les poètes, il était délicieusement marrant. Il nous faisait pleurer de rire."

La carrière de Jane Birkin prend alors un tournant musical et francophone. Son nouveau compagnon lui écrit de nombreux albums, en duo avec lui comme Jane Birkin-Serge Gainsbourg, sorti en 1969, ou en solo comme Ex fan des sixites, sorti en 1978. Le titre Jane B., extrait de l'opus, lui colle définitivement à la peau : "j'étais très flattée que l'on mette mon passeport sur Chopin (l'air de la chanson reprend le quatrième de l'opus 28, en mi mineur, ndlr.). On ne pouvait pas rêver mieux", commente-t'elle sur TV5 Monde.

Avec Serge Gainsbourg, avec qui elle a sa deuxième fille Charlotte, elle enchaîne les succès au cinéma dans La piscine de Jacques Deray, aux côtés de Romy Schneider et Alain Delon (1969), Don Juan 73 de Roger Vadim, avec Brigitte Bardot (1973), mais aussi dans des comédies grand public comme  La moutarde me monte au nez (1974) ou La course à l'échalote de Claude Zidi (1975), Comment réussir quand on est con et pleurnichard de Michel Audiard (1974).

Elle joue également dans Sept morts sur ordonnance et Je t'aime, moi non plus, le premier film de Serge Gainsbourg dont elle se séparera quelques années plus tard. Les deux se retrouveront souvent pour de nouvelles collaborations artistiques. "Il continuait d'écrire (des chansons pour moi, ndlr.). Baby Alone in Babylone... Les Dessous Chocs, Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve... toutes les plus belles chansons pour moi ont été faites à partir de ce moment là" confiera-t-elle sur TV5 Monde des années plus tard.

Elle a inspiré Gainsbourg, Doillon... et Hermès

Durant les années 1980, Jane Birkin se tourne vers le cinéma d'auteur, grâce sa rencontre avec celui qui partagera par la suite sa vie, Jacques Doillon et de leur film La Fille prodigue (1981). Le couple aura une fille, Lou, née en 1982. Ils resteront ensemble jusqu'en 1992 et tourneront plusieurs films, comme La Pirate (1984) et Comédie ! (1987).

La chanteuse retrouve aussi les planches, notamment pour sa première scène en concert. Pour Le Bataclan en 1987, Birkin change de look : avec ses cheveux courts, l'artiste veut montrer qu'elle est une femme qui aime aller à l'essentiel. 

Une attitude qui inspirera un sac à la maison de haute couture Hermès. En 1984, Jane Birkin se plaint, sur son vol Paris-Londres, de ne pas avoir "un cabas adapté à ses besoins de jeune maman" à son voisin de siège. Elle ne sait pas alors qu'il s'agit de Jean-Louis Dumas, gérant d'Hermès, qui donnera finalement corps à ses souhaits.

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Des apparitions plus rares dans les années 2000

Les années 1990 riment avec deuil pour Birkin. Le 2 mars 1991, elle perd Serge Gainsbourg, puis son père cinq jours plus tard. La comédienne se fait aussi plus rare. Elle joue dans Noir comme le souvenir (1995) de Jean-Pierre Mocky et elle apparaît dans On connaît la chanson (1997) d'Alain Resnais.

Dans les années 2000, elle retourne à la comédie avec Reines d'un jour (2001), Mariées mais pas trop (2003) ou Thelma, Louise et Chantal (2010). En 2009, Jacques Rivette lui propose l'un des rôles principaux dans 36 vues du Pic Saint-Loup.

Après le téléfilm Oh pardon ! tu dormais... qu'elle écrit et réalise en 1992, Jane Birkin sort également Boxes (Les Boîtes, 2007), long métrage aux accents autobiographiques projeté au Festival de Cannes.

En 2013, trois jours avant son anniversaire, sa fille aînée, la photographe Kate Barry, tombe du quatrième étage de son immeuble. "Quand Kate est morte, je suis restée à la maison pendant un an sans bouger, sans bouger du tout", a-t-elle confié sur RTL. Une perte inconsolable que l'artiste évoque dans Oh ! Pardon tu dormais, dernier opus en date réalisé avec Etienne Daho et Jean-Louis Piérot, sorti le 11 décembre 2020.

Reconnue en France et au Royaume-Uni

Unanimement reconnue des deux côtés de la Manche et très engagée, Jane Birkin devient officier de l’Ordre de l’Empire britannique en 2001, et, en France, commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres en 2015. Mais elle refuse la Légion d’honneur en 1989, estimant que "seuls des héros" devaient la recevoir. Une façon de saluer son père, David, un officier de la Royal Navy qui avait transporté des résistants de Grande-Bretagne vers la France pendant la Seconde Guerre mondiale.

Atteinte d'une leucémie depuis la fin des années 1990, elle confie en 2017 à L'Express : "J'ai compris, que je le veuille ou non, que je n'avais plus que dix ans devant moi. Bon, si je fais comme maman (disparue à 88 ans, ndlr.), peut-être un peu plus. Mais il n'y a pas un moment à perdre."

Une promesse qu'elle tient à honorer, malgré les drames et une longue convalescence qui l'obligent à annuler de nombreuses dates de son dernier spectacle Birkin/Gainsbourg le symphonique. Jane Birkin fera une dernière apparition publique lors de la cérémonie des Césars du cinéma en février 2023, pour soutenir sa fille Charlotte et son premier documentaire Jane par Charlotte - un portrait croisé sur sa relation avec ses enfants, mais aussi sur ses doutes et son optimisme légendaire.