Fil d'Ariane
Jean-Louis Murat, inclassable rebelle du paysage musical dont les chansons ont marqué des générations de fans, s'est éteint jeudi à 71 ans à son domicile en Auvergne, sa région de coeur et d'origine.
Jean-Louis Murat en concert, à Villiers-sur-Marne, en octobre 2010.
"Une part de l’Auvergne part avec lui", a réagi le maire de Clermont-Ferrand, Olivier Bianchi, saluant sur Twitter "la beauté du texte, la franchise du mot, la sincérité du chant".
Jean Louis Murat est parti. Triste nouvelle. La beauté du texte, la franchise du mot, la sincérité du chant. Une part de l’Auvergne part avec lui.
— Olivier Bianchi (@olivierbianchi1) May 25, 2023
Affectueuses pensées à ses proches. pic.twitter.com/Fj3ckatcLO
Des artistes comme Christine and the Queens ont salué le "poète" en lui, Benjamin Biolay s'est affiché sur Instagram le coeur brisé.
C'est son ancienne maison de disques, Pias, label indépendant, qui a annoncé à l'AFP son décès, sans préciser les causes de sa mort, confirmant des informations de presse. Le label sortira vendredi un best-of qui était déjà programmé.
Jean-Louis Murat, né Jean-Louis Bergheaud le 28 janvier 1952, avait fait d'un village de sa région natale, Murat-le-Quaire (Puy-de-Dôme), son nom d'artiste. Quand il montait sur scène, regard bleu acier, voix de séducteur lancinante avec son groove si particulier, ce n'était "pas pour faire plaisir aux gens" mais pour les "déstabiliser", voire "les dégoûter", disait-il à l'AFP en 2014.
Les charmer, aussi, passant volontiers de l'anecdote pleine d'humour noir à la plus forte des poésies, et mélange d'influences du terroir auvergnat autant que des nuits américaines.
Avec l'album "La vraie vie de Buck John" (2020), titre d'une BD de sa jeunesse, il avait signé un autoportrait en clair-obscur, baladin perdu dans son époque, toujours fasciné par le groove du sud des Etats-Unis.
"Moi, je n'ai pas de caillasse (d'argent, NDLR), je n'ai pas de succès, mais au moins, je ne pense pas faire de la chanson démagogique", confiait-il lors de ce même entretien, avec son habituel franc-parler.
Certains de ses morceaux comme "Sentiment Nouveau", "Fort Alamo" et "Si je devais manquer de toi", son premier tube commercial, comptent parmi les plus connus d'une carrière prolifique, avec 24 albums en trois décennies.
Le chanteur a connu les sommets des hit-parades en 1991 à la faveur d'un duo avec Mylène Farmer ("Regrets") mais assure avoir toujours vécu le "tube" comme "un enfermement". "Ce que j'aime, c'est la chanson qui devient un tube, pas la chanson qui est déjà tube avant que le gens ne l'aient entendue", disait-il.
Volontiers provocateur, Jean-Louis Murat avait fait scandale à ses débuts dans les années 80, avec "Suicidez-vous le peuple est mort", certains médias craignant que ce titre soit une incitation au suicide. La pochette était signée par le photographe des stars Jean-Baptiste Mondino.
Musicalement aussi, ses partis pris radicaux pouvaient susciter une forme d'incompréhension. Il avait dérouté avec l'ovni "Travaux sur la N89" (2017), qui faisait le pari de la déconstruction, en délaissant guitares et mélodies pour mieux se réinventer sur la base de sons synthétiques et électroniques.
"La mélodie à la française, c'est un peu comme l'addiction au sucre. Je voulais absolument m'en écarter et repartir de zéro. Ça a donné N89 et je n'étais pas sûr que ça fasse un disque. Mais finalement il a été assez réussi pour moi, parce que ça m'a redonné de l'énergie et je me suis de nouveau considéré en devenir", assurait-il à l'AFP en 2018.