Jean-Michel Basquiat est né à New York en 1960, dans une famille aisée de Brooklyn, d’un père haïtien et d’une mère portoricaine. Il est très vite amené à s’intéresser à l’art .
Dès son plus jeune âge, sa mère l’amène régulièrement dans les musées. Son premier choc esthétique ? Le tableau de Picasso, "Guernica", exposé au Musée d’Art Moderne de New York (MoMA). Au fur et à mesure de ses visites, il s’intéresse à la place de la figure noire dans l’art en faisant le constat que sa représentation est très restreinte.
Des ouvrages et ses visites au musée nourrissent son intérêt pour le continent. “
Ce sont différents intermédiaires qui vont l’amener à s’intéresser au continent”, explique Dagara Dakin, médiateur culturel à la Fondation Louis Vuitton.
Une Afrique d’abord fantasmée
Dans l’oeuvre du jeune artiste, “
il y a un aller-retour entre la culture noire-américaine et la culture africaine”, explique Dagara Dakin. Les références à l’Afrique ne sont pas évidentes, “
il y a un côté très crypté, il faut déchiffrer pour avoir un semblant de compréhension de ses toiles”, ajoute le spécialiste.
Basquiat ne se réfère pas directement à l’art africain mais plutôt à la culture africaine. Sa vision du continent apparaît comme “
fantasmée”, explique Dagara Dakin. Elle ne transparaît la plupart du temps, qu’à travers ce qu’on lui a rapporté et ce qu’il a lu.
Son goût pour le continent s’illustre principalement à travers la figure du griot. “
C’est le musicien, le passeur de tradition et c’est un peu la figure de l’artiste dans laquelle il va pouvoir s’identifier, en tant que passeur qui conte l’histoire noire américaine”, commente le médiateur.
L’ouvrage “Flash of the Spirit : African and Afro-American art and philosophy” de Robert Farris Thompson renforce également son intérêt pour la culture du continent. “Le livre s'intéresse à cinq populations africaines - Yoruba, Kongo, Ejagham, Mande et Cross River - qui ont développé des symboles que l’on va retrouver via la diaspora africaine dans les Caraïbes et aux Etats-Unis”, décrit Dagara Dakin.
Dans son oeuvre "Grillo" datant de 1984, il dessine le nsibidi, un système de symboles développé par les populations au sud-est du Nigeria.
Il fait également référence au dieu Ogun en Haïti, le dieu du fer et des forgerons à travers son personnage couronné par des clous. “
La forme de sa tête, la couleur qu’il utilise et le découpage du personnage couronné”, renvoient à la statuaire africaine, décrit le spécialiste.
Dans une de ses dernières toiles, "Exu" datant de 1988, la figure du même nom est issue du vaudou haïtien et de celui de la population Ourouba entre Dahomey et le Nigeria. “
Il y a une double symbolique : l'intérêt de Basquiat pour l’histoire des noirs américains, de la diaspora africaine, des caraïbes et du continent et la représentation de ce personnage qui est le protecteur de ces populations africaines”, explique le médiateur de la Fondation Louis Vuitton.
Sa venue en Côte d’Ivoire
Malgré son grand intérêt pour le continent africain, Jean-Michel Basquiat ne s’y rend pour la première fois qu’en 1986. Il atterrit à Abidjan, en Côte d’Ivoire où son travail est exposé au Centre Culturel Français (CCF).
L’artiste américain ne reçoit pas l’accueil qu’il attendait.“
Les Ivoiriens n’ont pas répondu à l’appel comme ils auraient dû le faire, c’était un rendez-vous manqué", raconte l’artiste et photographe ivoirienne, Joana Choumali.
Après quelques jours passés dans la capitale, il se dirige à Korhogo, où il découvre les traditions ivoiriennes. Ces terres sont une source d’inspiration pour ses dernières oeuvres.
Deux ans après son premier voyage, en 1988, il prévoit de revenir sur le territoire ivoirien mais il décède d’une overdose, à 27 ans. “
Quand on retrouve le corps de Basquiat, on dit qu’il avait un billet pour Abidjan, il avait donc certainement prévu d’y retourner”, décrit Dagara Dakin.
L’oeuvre de Basquiat fait écho à des problématiques sociales et culturelles encore très actuelles. “
Son travail est encore très fort, vif et contemporain et il a inspiré de très nombreux artistes partout dans le monde mais il y a encore tellement à faire pour représenter le corps noir, les identités africaines et la diaspora”, explique Joana Choumali.