La bouillonnante scène culinaire de Montréal

Arômes de conifères, légumes, cerf de Boileau et chaleur québécoise sont peut-être les secrets de l’énergisante scène culinaire de Montréal. Les chefs montréalais ont ainsi profité des trois jours du festival Omnivore 2016, dont ils étaient les invités d’honneur, pour faire découvrir leur gastronomie au public français.
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Marc-Alexandre Mercier, chef de l'Hôtel Herman à Montréal, accompagné du critique gastronomique Sébastien Demorand, sur la scène du festival Omnivore à Paris le 7 mars 2016. Il prépare une longe de cerf de Boileau rôtie.
©Amélie Revert
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Une subtile odeur de fumée d’épinette (nom de l’épicéa au Québec, NDLR) envahit le théâtre de la Maison de la Mutualité à Paris. John Winter Russel, chef du restaurant Candide à Montréal, est en train de prouver que la cuisine de la capitale culturelle québécoise mérite amplement sa place d’invitée d’honneur de la onzième édition du festival Omnivore ; celui qui a célébré la jeune cuisine du 6 au 8 mars.

John Winter Russel a 35 minutes pour préparer deux plats, 35 minutes pour ébahir les centaines de spectateurs venus assister à sa master-classe. Ravioles de yaourt, concentré de courge, carottes rôties, caviar de truite et riz sauvage soufflé composent son premier plat. Ce fou de légumes et de graines innove. « Environ 80% de ce qui est servi au restaurant vient des plantes » admet le chef originaire de l’Ontario. Il propose viandes et poissons en accompagnement, voire en condiment, plutôt que de leur donner une place centrale dans l’assiette. L’idée est séduisante.

Second plat. Attention « attache ta tuque avec de la broche » comme diraient les Québécois. Laitue fumée à l’épinette – d’où l’odeur –, lichen (symbiose entre champignon et micro-organisme, NDLR), émulsion de pomme de terre violette et vinaigre au mélèze (sorte de conifère, NDLR). Ici, John Winter Russell veut donner l’arôme des conifères aux aliments et éviter l’ajout de sel. Le chef se plait ainsi à faire « des expériences avec des produits spéciaux, comme le lichen qui a une texture intéressante ».  L’idée est convaincante.

Cerf de Boileau et conifères

« En anglais, candide veut dire honnête. En français cela signifie naïf. » John Winter Russel résume la vision de sa gastronomie à ces quelques mots, en référence au nom de son restaurant du quartier de la Petite Bourgogne à Montréal. Et il semble bien l’être, honnête, puisque ses menus sont proposés à 45 dollars canadiens avec des produits essentiellement locaux et régionaux.

Cuisiner avec des produits québécois, la doctrine intéresse aussi les chefs Charles-Antoine Crête et Marc-Alexandre Mercier. Pour le premier, à la tête du Montréal Plaza, il est important de proposer des plats simples et ludiques élaborés à partir d’ingrédients du Québec particulièrement, du Canada généralement. Une trentaine de plats salés et une quinzaine de sucrés sont donc au menu d’une carte qui se renouvelle régulièrement. Le restaurant de Charles-Antoine Crête et de son associée Cheryl Johnson est là pour apporter « du plaisir à Montréal », selon ses dires.

Mon chum Raph vient de finir le signe en avant! / My friend Raph just did the last touch up on the sign in front!

Une photo publiée par Ritalin Crête (@montrealplaza) le 14 Sept. 2015 à 17h08 PDT

Le chef de l’Hôtel Herman, Marc-Alexandre Mercier, a, quant à lui, choisi de préparer du cerf de Boileau (cerfs élevés de la région de Boileau au Québec, NDLR) sur la scène du festival Omnivore. Lui, qui travaille plutôt les légumes habituellement, le décline en deux recettes. Un tartare classique aux cèpes et au sapin et une longe rôtie au thym, au genièvre et aux betteraves.

La Française Anne-Sophie Pic, cheffe trois étoiles au guide Michelin et docteur honoris causa de l’université de Montréal, a découvert l’argousier et ses « petites baies très acidulées » au cours de ses récents voyages au Québec. Elle confirme : « le terroir québécois est très riche. Il y a beaucoup de choses à découvrir. »

L’ambiance chaleureuse québécoise

Anne-Sophie Pic confie également être une « admiratrice de Montréal et de ses chefs », même si elle concède ne pas connaître l’ensemble de la gastronomie québécoise. Celle qui a des « liens amicaux très forts » avec Normand Laprise (chef du restaurant Toqué! à Montréal et qui a par ailleurs formé Charles-Antoine Crête, NDLR) qualifie sa cuisine de « naturelle et fraîche avec des notes plus sombres comme le fumé », avant de souligner « l’ouverture » de cette gastronomie.

Une cuisine ouverte afin de tisser des liens forts avec les gens. Pour Charles-Antoine Crête, bien s’occuper des clients du Montréal Plaza est primordial. « Tous les clients bénéficient du même accueil et des même traitements, qu’ils prennent une bouteille à 36 ou 1600 dollars. » Chez John Winter Russel, la réception des clients est également fondamentale « on te prend en main quand tu arrives dans le resto ».

Betterave, genièvre et foin. Tonight @hotelherman #hotelherman #sherman #perfectforasunnyday @mickaelbandassak

Une photo publiée par Herman (@hotelherman) le 5 Févr. 2016 à 13h37 PST

A la Sucrerie de la Montagne - une érablière authentique reconnue au Patrimoine du Québec et dans laquelle les clients peuvent se restaurer et dormir à quelques kilomètres de Montréal - le patron des lieux, Pierre Foucher, aime que « les gens du monde entier se retrouvent chez eux chez nous ». Pour lui, la qualité du service est aussi importante que la nourriture. Soupe aux pois, jambon à l’érable, tarte au sucre, crêpes, sirop d’érable etc. Là-bas, les repas servis sont plus classiques mais typiques, et l'ambiance plus traditionnelle où la chaleur humaine est maîtresse de maison.


Se faire plaisir en mangeant des produits simples, découvrir des saveurs inattendues, être accueilli à bras ouverts. En un mot, la jeune scène gastronomique montréalaise est prometteuse. Celle-ci a su confirmer, pendant le festival Omnivore 2016 qu'elle avait sa place parmi les grandes.