La cuisine africaine fait sensation en France. Restaurants modernes, food truck, et même création d'un magazine spécialisé, les initiatives ne manquent pas pour populariser cette gastronomie encore méconnue du grand public. Reportage.
« Rendre la cuisine africaine accessible à tous », c’est le défi que se sont lancé Gabriel Stein, Morlaye Toure et Hassoun Camara. Ensemble, ils ont ouvert Osè African Cuisine au numéro 34 de la rue du faubourg Saint-Martin, dans le très bouillonnant quartier de Strasbourg Saint-Denis du Xe arrondissement de Paris. Ici, pas de service interminable, ni de serveur en boubou. L’Afrique et ses saveurs se retrouvent dans l’assiette uniquement.
Mafé (sauce faite d’arachides originaire du Mali), yassa (plat du Sénégal à base d’oignons), sauce coco (de Madagascar) et deux créations originales du chef Gondo sont à la carte du restaurant rapide. A ces sauces, on ajoute, au choix, une viande ou des légumes, du riz rouge malgache ou de l’attiéké (semoule de manioc consommée en Côte d’Ivoire), et du piment, plus ou moins fort.
« Nous avons voulu faire une cuisine africaine qui ressemble à la jeunesse, à la fois moderne, accessible, urbaine » confie Gabriel Stein. Mais pour arriver à ce résultat, les trois associés, âgés d’à peine trente ans, ont d’abord voulu comprendre pourquoi cette gastronomie est si peu populaire en France en réalisant une étude de marché. Nourriture pimentée, grasse, lourde, préparée dans des conditions d’hygiène douteuses et servie lentement, les préjugés mènent la vie dure à la cuisine africaine. L’équipe d’Osè les a donc démontés un à un pour séduire les Français et leur proposer des plats savoureux et abordables.
Ils ont également fait ce constat : la cuisine africaine est sans gluten. « De manière générale il n’y en a pas puisque le blé n’est quasiment jamais utilisé » explique Gabriel Stein. A l’heure où la tendance est au « manger sain », l’argument est de taille.
Dessert "passionémangue" réalisé par le chef Anto.
« Depuis peu, il y a un vrai engouement pour la gastronomie africaine » se réjouit Fati Niang, gérante du food truck Black Spoon. Installée dans son camion garé sur le parvis de La Défense, elle sert presque tous les midis aux hommes d’affaire du thiep bou dienn (riz au poisson du Sénégal) et des alocos (frites de bananes plantain consommées en Afrique de l’Ouest), entre autres. « Cette année, on a beaucoup de demande et on travaille de plus en plus » poursuit-elle. Après des mois passés à éduquer sa clientèle et répondre aux nombreuses interrogations, les efforts sont payants. « Ici tout est fait maison » argumente-t-elle pour fidéliser ses clients.
Osé African Cuisine, dans le 10e arrondissement de Paris.
Pour le moment, Gabriel Stein suit de près l’évolution du secteur de la cuisine africaine en gardant contact avec les autres restaurateurs, et il encourage d’autres initiatives. Il insiste : « Le marché a tellement de potentiel qu’il faut que d’autres projets se lancent ».
Un avenir prometteur
Pour Kossi Modeste, créateur d’Afro Cooking Magazine, première publication francophone entièrement dédiée aux cuisines d’Afrique et d’Outre-Mer, les talents ne manquent pourtant pas et cite l'exemple de la réussite du chef Loïc Dablé. Pour lui, si ces cuisines – l’Afrique compte 54 pays, et autant de gastronomies différentes - ont longtemps peiné à se populariser, « c’est parce qu’il y a peu de médias où les chefs africains peuvent s’exprimer ». Après le succès d’Afro Cooking en Belgique, le magazine est désormais disponible dans les kiosques français. Un révélateur, selon lui, de l’essor de cette cuisine.