La mort de Jean-Paul Belmondo, légende du cinéma français

L'immense acteur, star internationale, s'est éteint ce lundi 6 septembre à l'âge de 88 ans. Il doit sa brillante carrière au succès de son premier film "A bout de souffle" de Jean-Luc Godard. Une aventure étonnante, qui libèrera l'acteur du complexe de sa "laideur"
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Belmondo
Jean-Paul Belmondo le 20 mai 2016 à Paris
(AP Photo/Michel Euler)
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Son père Paul, sculpteur de renom, ne sait pas très bien quoi penser de son aimable rejeton, Jean-Paul,toujours prompt à faire le mariole pour amuser la galerie.
Le jeune homme n'a rien contre le fait d'épouser une carrière d'acteur. Mais a-t-il au moins du talent ? Il demande à un ami de la Comédie-Française d’auditionner le trublion. Le jour du rendez-vous crucial, Belmondo récite La Fontaine. C'est la consternation. La future star entend un étonnant conseil : " Je vous en prie, choisissez une autre destinée. "
Commentaire, plus tard, de l’acteur : " Le pire est que cet homme était connu pour sa clémence. "

Je sors avec Delon mais je rentre avec Belmondo
                                                                                                                Edith Piaf


Mais Belmondo s'accroche, fidèle à la ligne de conduite traçée par sa mère adorée :  "Ne jamais renoncer". Il finit par réussir son entrée au concours du Conservatoire  après trois tentatives.

Du côté des profs-acteurs, c'est l'enfer : " Mon petit, tu n’es pas fait pour ce métier."  " Vous ne tiendrez jamais une femme dans vos bras au théâtre ou au cinéma. "  "Drôle de gueule", "débutant aux traits ingrats" etc. Mais, heureusement,  question copains, c'est autre chose ! Il tissera au Conservatoire  des liens d'amité de toute une vie avec ses camarades de promo : Jean Rochefort, Jean-Pierrre Marielle, Bruno Crémer, Claude Rich.
Guy Bedos dira de lui dans l'Express : " Déjà, pour les copains, c'était une vedette, Il n'était pas comme les autres : plus dingue, plus insolent, un grand flandrin maigre qui jouait les comiques, les ahuris..."
Lors de la fin d'année, Belmondo reçoit du jury un humiliant "rappel de premier accessit". Ses camarades ne supportent pas ce verdict, qu'ils perçoivent comme un affront. Ils décident, ex-abrupto, de  porter Belmondo en triomphe. Jean-Paul Belmondo exulte et fait un bras d'honneur aux jurés.

Belmondo et Jean Seberg
Jean-Paul Belmondo et l'actrice américaine Jean Seberg lors du tournage de A bout de souffle de Jean-Luc Godard
capture d'écran)

La chance d' "A bout de souffle"

L'un des pilliers de la Nouvelle Vague, Jean Luc Godard,  l’apostrophe à la terrasse d'un café. Le cinéaste Suisse a repéré l'animal qui n'aime rien tant que faire rire. Il  joue d'un charme prometteur.

A bout de souffle
Il le confessera plus tard : "le tournage ressemblait à des vacances, à un canular d'étudiant..."


Dans ses mémoires, Belmondo raconte la scène :

Godard : " Tu vois ce bar, tu rentres dedans.

– Et j’y fais quoi ?

– Ce que tu veux. »

Puis, plus tard, Belmondo doit rentrer dans une cabine téléphonique

- "Et je dis quoi ?

– Ce que tu veux. "

Dans la scène finale, où Poiccard s'effondre,  Belmondo demande à Godard quelle distance il doit parcourir  avant de s'effondrer.
Réponse du réalisateur : " Tu tombes quand t'en as marre de courir !" etc.

Interdiction du film jusqu'en 1975

Le film connaitra le triomphe que l'on sait ( 2 millions d'entrées pour un budget équivalent à 69000€).
Professionnellement, Belmondo est sauvé mais surtout, comme l'écrit l'acteur dans son autobiographie "Mille vies valent mieux qu’une" (Fayard) : "Godard est en train de m’accorder une formidable impunité à être moi-même. Je suis dédouané du réel ; je peux pisser dans un lavabo, fumer torse nu au lit pendant un quart d’heure, faire l’amour sous les draps et injurier les spectateurs."

Et tant pis si le 2 décembre 1959, la commission de censure interdit le film au moins de 18 ans. "Tout dans le comportement de ce jeune garçon, son influence croissante sur la jeune fille, la nature du dialogue, contre-indique la projection de ce film devant des mineurs" écrit la commission. 

L'interdiction ne sera levée qu'en 1975 !

Sa carrière est lancé. Lors des cinq années qui suivront, il tournera dans pas moins de trente films ! Belmondo retrouvera Godard dans Une femme est une femme (1961) et Pierrot le fou (1965).

"Jean-Paul Belmondo, vous êtes la France !"


En mai 2017, en fin d’après-midi, François Hollande s'était permis un plaisir, le dernier, en qualité de président de la République.
Dans le salon des ambassadeurs devant une poignée d'amis (Robert Hossein, Guy Bedos, Charles Gérard ou Yves Lecoq) il avait décoré Bébel des insignes de grand officier de l’ordre national du mérite.
Le futur ex-président lui avait dit :" Vous êtes exceptionnel, Jean-Paul Belmondo. Vous faites partie de la vie des Français. Vous aviez même dit que vous étiez la France. Vous avez été capable d’être aimé du peuple (…), de rendre heureux des millions de gens. C’est ce que les gens disent quand ils vous voient dans la rue. Ils vous disent merci."
On ne saurait mieux dire.

Oui,  merci, Monsieur Belmondo.

Belmondo César
 Jean Paul Belmondo le 24 février 2017 lors de la cérémonie des  Césars 
(AP Photo/Thibault Camus