québécismes bienvenus !

La Société Radio-Canada maintient une langue française de qualité grâce à son site linguistique

Image
Radio Canada site linguistique

Pascale-Marie Dufour est conseillère du populaire site linguistique de la société Radio-Canada. La plateforme qui guide journalistes et employés dans leur usage du français reçoit en interne 34 000 consultations par mois en moyenne, soit un millier par jour. 

Catherine François/TV5MONDE
Partager 4 minutes de lecture

Il existe, au sein de la Société Radio-Canada, un site linguistique qui emploie deux personnes et qui permet à tous les employés du service public canadien de valider l’usage d'un mot, de veiller à ne pas employer d’anglicisme, de se conformer à la prononciation d’un nom. Un site essentiel pour assurer la qualité de la langue française à la radio, la télé et sur le web.

Le site linguistique a été fondé il y a une vingtaine d’années.

« Le but, la mission du site, c’est d’unifier la langue à Radio-Canada sur toutes les plateformes, s’assurer qu’on y entende et y lise une langue de qualité diffusée partout, explique Pascale-Marie Dufour, conseillère du site linguistique. 

Par langue de qualité, je parle d’une langue qui est juste, accessible, compréhensible, intelligible et correcte. Une langue qui doit aussi être comprise partout au Canada, dans des communautés qui vivent dans des environnements linguistiques très différents, alors il faut vraiment qu’on soit compréhensible, compris dans chacune des communautés partout au pays.»

(Re)voir  La semaine de la langue française au Québec : "Parlez français s'il vous plaît !"

Unifier l’usage du français

Le site se présente en deux volets : une banque de terminologie, qui comprend 12 000 termes, dont le quart sont des références verbales et des prononciations. Un second volet permet d’avoir accès, via des liens, à des dictionnaires, des grammaires, des lexiques, des glossaires, « des outils de référence qui sont une mine d’or pour permettre aux journalistes, animateurs et animatrices et tous les employés de RC d’avoir la langue la plus juste et la plus correcte possible » s’exclame Pascale-Marie Dufour.

Ce site linguistique est populaire : il reçoit 34 000 consultations par mois en moyenne, soit un millier par jour. Mais il n’est pas accessible au public.

 Il faut rejoindre les gens avec les mots les plus justes possibles mais qui sont aussi dans leur quotidien.

Pascale-Marie Dufour, conseillère du site linguistique au sein de la société Radio-Canada

Un précieux bulletin hebdomadaire

Pascale-Marie Dufour produit tous les lundis un bulletin linguistique qui comprend une dizaine de recommandations en lien avec l’utilisation de mots spécifiques, les fautes à éviter, les anglicismes à bannir, etc. (voir encadré)

« C’est un outil de plus envoyé chaque semaine à tous les employés de Radio-Canada, précise la conseillère et c’est l’actualité qui guide beaucoup la rédaction de ce bulletin. Par exemple, à la suite du décès de l’ex-premier ministre Brian Mulroney, j’ai remis de l’avant les fiches linguistiques sur les mots et expressions : funérailles nationales, rendre hommage, chapelle ardente, etc. (...). Et la grande lutte que nous menons aussi, c’est celle contre les anglicismes. Quand j’en intègre dans mes bulletins, c’est parce que je les ai entendus sur nos ondes dans les jours précédents.»

(Re)lire Steve Bodjona, l’écrivain togolais qui veut transmettre le goût de la littérature

Ah ces maudits anglicismes qui viennent polluer notre belle langue, ces pièges dans lesquels nous tombons tous et toutes trop régulièrement … c’est un combat de tous les jours !

radio canada

La présentation du site linguistique de Radio-Canada

Catherine François/TV5MONDE

Intégration des québécismes

Le site linguistique se fait aussi un devoir d’intégrer les québécismes dans ses recommandations : « C’est un devoir de Radio-Canada, on parle aux gens, il faut rejoindre les gens avec les mots les plus justes possibles mais qui sont aussi dans leur quotidien, il faut parler pour être compris. 

Cela ne veut pas dire niveler par le bas mais il faut intégrer des québécismes lorsque cela décrit une réalité, lorsque c’est un terme juste, bien conçu, dont l’usage est répandu. La langue française est une langue qui évolue constamment. On n’est pas dans une tour d’ivoire à Radio-Canada, nous avons un rôle à jouer pour maintenir cette rigueur sur le plan de la langue » souligne Pascale Marie-Dufour. 

Prenons par exemple le verbe « divulgâcher » : le site linguistique explique qu’il s’agit d’une traduction de l’expression anglophone « spoiler », « c’est un mot-valise composé des mots « divulguer » et « gâcher » qui caractérise l’action de quelqu’un qui révèle un élément clé d’une série télévisée, d’un film, d’un jeu vidéo ou d’un livre, à des gens qui ne les ont pas encore lus ou vus ». Et celui qui divulgâche est un divulgâcheur… Et plus personne au Québec ne va dire : « tu as vu mon mail ? » parce qu’ici, on dit courriel.

Beaucoup ont remarqué une détérioration de la qualité de la langue française sur les ondes. 

Pascale-Marie Dufour, conseillère du site linguistique au sein de la société Radio-Canada

De nombreux défis à relever

Pascale Marie-Dufour vient de s’asseoir dans cette chaise de conseillère du site linguistique : auparavant, elle était journaliste à Radio-Canada et elle est en train de terminer une licence en traduction trilingue français-anglais-espagnol. 

« C’est un poste qui m’a toujours intéressé, je suis passionnée par la langue française, j’aime les mots, j’aime trouver le mot juste, j’aime le travail qui est derrière la rédaction, j’aime livrer le meilleur produit possible » confie-t-elle. 

Elle veut faire le tour des équipes pour se présenter et leur expliquer qu’elle est des leurs : « Je veux leur dire que je suis là pour eux, pour les aider, qu’ils peuvent me consulter quand ils en ont besoin. Mais j’avoue que je ne sais pas trop encore comment je vais intervenir auprès de personnes qui font des fautes de français récurrentes en ondes, ou qui emploient des anglicismes. Mais je veux passer le message que je travaille avec eux, et non contre eux, que je suis là pour les aider à donner leur meilleur. »

Pascale Marie-Dufour sait qu’elle va avoir de nombreux défis à relever dans ce nouveau poste. « Oui, il y a place à l’amélioration, avoue la conseillère, beaucoup ont remarqué une détérioration de la qualité de la langue française sur les ondes de Radio-Canada. Je ne veux pas comparer à « comment c’était avant ».

Je veux regarder en avant, voici d’où on part et voici où on veut aller, et là où on veut aller, c’est une meilleure qualité de la langue en ondes et sur le web. C’est le sommet où on veut arriver et oui, c’est une montagne à gravir et le chemin pour y arriver n’est pas encore défini.»

Dans un premier temps, la conseillère pense qu’une refonte du site linguistique s’impose, pour le rendre plus facile à consulter, plus convivial, plus performant. Et elle espère que chacun, au sein de Radio-Canada, va réaliser son rôle à jouer pour améliorer le français et se responsabiliser en conséquence. Car oui, il doit y avoir une prise de conscience collective pour maintenir les standards de qualité de cette belle langue qui est la nôtre.

Un extrait de ce que l’on pouvait lire dans le bulletin linguistique proposé aux employés de Radio-Canada pour la semaine du 11 mars :

Regroupement familial; réunification des familles (terminologie) 

Nota : les termes regroupement familial, réunification, réunification des familles, réunification familiale et réunion des familles sont synonymes sur les plans sémantique et juridique. Les gouvernements fédéral et provinciaux utilisent tous ces termes de façon interchangeable, que ce soit dans leurs communications internes ou externes. 

Exemples : le programme de regroupement familial permet le parrainage d’époux, de conjoints de fait, d’enfants à charge, et d’enfants en voie d’adoption. Le gouvernement annonce de nouvelles mesures pour renforcer la réunification des familles, et promet d’accélérer le traitement des demandes de visa de résident temporaire pour les conjoints demandeurs. 

Bidenomics (néologisme)

Nota : le terme « Bidenomics » est largement utilisé pour décrire les politiques économiques du président américain Joe Biden. Cependant, il n'existe pas de traduction officielle de « Bidenomics ». On peut employer « Bidenomics » entre guillemets une fois pour situer l'auditoire, mais il faut l'accompagner d'une mise en contexte avec un équivalent français, comme politiques économiques du président américain Joe Biden.

Exemple : le président américain Joe Biden fait le pari de tout miser sur la solidité de l'économie américaine, fruit, selon lui, de ses « Bidenomics », soit ses politiques économiques.

Tuerie de masse (emploi restreint)

Nota : on exclut généralement de la catégorie tuerie de masse les meurtres commis par un proche dans la résidence familiale. Lorsqu'une personne tue plusieurs membres de sa famille, au cours d'une même journée, le plus souvent dans un même lieu, il faut privilégier selon le cas les termes drame familial, meurtres multiples, homicides multiples, ou homicides intrafamiliaux.

Exemple : une tuerie de masse survenue récemment dans une école secondaire de la Floride a fait 17 morts et a relancé le débat sur le contrôle des armes à feu aux États-Unis.