Fil d'Ariane
Mais Lamine Touré voulait aller encore plus loin pour faire découvrir la culture de son continent. Il fonde donc, en juillet 1987, le Festival Nuits d’Afrique et, quelques mois plus tard, les productions Nuits d’Afrique, qui sont devenus de formidables instruments de promotion d’artistes africains et caribéens, même d’Amérique latine.
Tout artiste qui vient de l'Afrique ou des Caraïbes, on est les premiers à le faire découvrir à Montréal.
Lamine Touré.
Les plus grands noms de la musique africaine sont donc venus au Festival Nuits d’Afrique mais aussi des artistes moins connus. Et Lamine Touré se fait aussi un point d’honneur à prendre sous son aile des artistes québécois d’origines africaine, caribéenne ou latino-américaine pour les faire découvrir au public montréalais.
Le joueur de kora d’origine guinéenne Zal Sissokho et la griotte d'origine malienne Djely Tapa en témoignent. « C'est une aide très précieuse qu'il nous apporte pour nous faire connaître au Canada et en dehors du Canada », précise Zal Sissokho.
« Je peux dire que je suis une enfant, une artiste née par Touré, née au Balattou, née aux Nuits d'Afrique, grandi aux Nuits d'Afrique », ajoute Djely Tapa, griotte de son état, installée à Montréal.
Quand on demande aux deux artistes pourquoi Lamine Touré est surnommé le baobab de Montréal, ils expliquent : « Oui, il a apporté l'Afrique, ce grand continent, avec lui à Montréal, sa démarche depuis le début c'est de faire connaître l'Afrique », déclare Zal Sissokho. « Je dirais plutôt qu'il a installé l'Afrique à Montréal, au Canada, en Amérique du nord. C'est comme un arbre qu'il a planté qui grandit et qui pousse encore et qui fait encore plein de branches partout partout, ajoute Djely Tapa. Et chaque artiste vous dira qu'il a une relation particulière avec Touré ».
Il est une encyclopédie musicale et culturelle à lui tout seul, commente de son côté.
Suzanne Rousseau, directrice générale du Festival.
« C'est quelqu'un qui a beaucoup voyagé, raconte Suzanne Rousseau, directrice générale du Festival, qui a une ouverture d'esprit, qui aime partager ses connaissances et c'est ce qui le nourrit. C'est un visionnaire, c'est comme un vieux sage africain. Je travaille avec Mr Touré tous les jours depuis 32 ans, c'est une richesse pour nous à Montréal, c'est une richesse culturelle infinie, tous les jours j'apprends quelque chose avec Mr Touré ».
Rassembleur, humaniste, « un monument » autant de qualificatifs pour dépeindre cet homme attachant. Ordre du Québec et du Canada Lamine Touré a reçu plusieurs prix et distinctions en reconnaissance de sa contribution sur les scènes culturelles québécoise et canadienne. Il vient de recevoir l’Ordre du Canada « pour ses efforts soutenus à faire connaître et rayonner les cultures africaines et antillaises en sol canadien, et pour son leadership à bâtir l'un des plus grands festivals en Amérique du Nord mettant les artistes de ces pays à l'avant-scène », précise-t-on dans le communiqué.
En juin 2013, c’était l’Ordre du Québec que la Première ministre d’alors, Pauline Marois, lui remettait en mains propres. Il a aussi reçu la médaille de l’Assemblée nationale du Québec en 2017. Malgré tous ces honneurs, l’homme reste modeste et humble : toujours très discret et en retrait derrière l’artiste qu’il met sur la scène.
J'ai créé ça pour faire connaître la culture africaine et caribéenne, mais les vedettes, ce sont eux, pas moi, ce sont eux qui sont en avant, moi je suis en arrière.
Lamine Touré.
Il poursuit : « Je suis fier du festival Nuits d’Afrique, et puis le Balattou aussi, c'est une autre fierté ». Réaliser son rêve Lamine Touré veut maintenant réaliser un rêve : mettre en place un festival, sur le même principe que celui de Montréal, dans les pays d’Afrique francophone, « la Guinée, Burkina, Mali, Sénégal, Cote d'Ivoire pour commencer... vraiment c'est mon rêve, ça c'est mon rêve » nous confie-t-il.
Et pour que ce rêve devienne réalité, Lamine Touré cherche un partenaire fiable en Afrique, il dit avoir déjà discuté de ce projet avec Youssou N'Dour, Alpha Blondy et Salif Keita. Le baobab de Montréal pourrait bien aller reprendre racine en Afrique…