Le rap québécois, le « Rap Queb » comme on l'appelle, est en pleine effervescence : en plus des artistes déjà bien connus comme Koriass, Alaclair Ensemble ou Loud, il y a des étoiles montantes comme le jeune FouKi. Un artiste qui dit faire du "rap gentil" aux influences musicales diverses et dont les paroles s'inspirent du quotidien. Rencontre.
FouKi, 22 ans, nous accueille dans l’appartement de son père sur le Plateau Mont-Royal, quartier branché de Montréal, où vit d’ailleurs une importante concentration de Français fraîchement installés au Québec.
FouKi a grandi dans ce quartier, partagé entre les appartements de papa et maman, tous deux enseignants. L’école, ce n’est pas son truc : il n’a jamais aimé ça et il a obtenu son diplôme secondaire de peine et de misère. Mais la musique, ça, c’est sa grande passion : il séchait les cours pour aller en faire avec les copains, et voilà qu’il peut maintenant en vivre depuis le lancement, en avril dernier de son premier album, ZAY, sous l’étiquette 7e ciel, la principale écurie des rappeurs québécois.
«
Être "zay", c'est être bien, bien avec soi-même, avec les autres, être zen, relaxé... j'ai appelé cet album ZAY parce que ça représente bien ma vie de tous les jours », nous explique FouKi, Léo Fougères de son vrai nom.
C’est cette vie de tous les jours qui l’inspire pour écrire ses chansons : «
Beaucoup de choses m'inspirent, des choses joyeuses ou sombres, ça dépend de comment je me sens. Mais j’aime beaucoup, justement, rapper les petites choses de la vie, comme boire un café, je vais l'écrire dans une chanson, je dis "double expresso court pourtant je suis encore allongé", des trucs de la vie de tous les jours, je trouve que ça ajoute une couleur à un texte et une chanson ».
Des textes en français, anglais, créole
Les textes des chansons de FouKi sont aussi colorés par plusieurs langues, le français en est la principale, mais il emploie aussi des mots et des expressions en anglais, espagnol, créole : «
À Montréal, c'est pas mal multiculturel, en classe on était deux, trois Québécois entourés de plein de cultures différentes, ce sont des langages qu'on partage entre nous, et je pense que ça fait juste enrichir une langue, ça ajoute une texture, c'est comme ajouter des bleuets à ses céréales pour les rendre meilleures. Alors je prends des inspirations vraiment de partout et je trouve que chaque langue à une beauté, donc je chante en français, mais sans la barrière des langues ».
L’un des grands succès de son album s’appelle GAYÉ : un mot créole qui veut dire gaieté, mais qui, dans le contexte de cette chanson, veut dire être « gelé », « stone », « buzz », bref l’état que l’on ressent quand on fume du cannabis. FouKi et son groupe en fument, régulièrement. Ça fait partie de leur vie, comme bien des jeunes au demeurant…
Dans le vidéoclip de « Gayé », enregistrés dans le très connu parc Lafontaine du Plateau Mont-Royal, FouKi et ses potes fument, boivent et s’éclatent. Ils sont « gayés » sans l’ombre d’un doute, mais les clichés associés au rap s’arrêtent là.
FouKi rejette en effet le discours de violence et de machisme véhiculé par certains rappeurs. Il dit faire du « rap gentil », qui plait bien sûr aux jeunes, son public cible, mais que sa petite cousine de deux ans et sa grand-mère apprécient elles aussi. Et c’est un rap traversé par des influences musicales aussi diverses que le reggae ou le folk : «
Mon hip-hop, ce n'est pas juste du hip-hop, je fais de la salsa hip-hop, du reggae hip-hop, du blues hip-hop, on essaye d'aller dans des thèmes musicaux différents parce que j'adore le jazz j'adore le blues... j’aime aller dans plusieurs "vibes", plusieurs rythmes différents », précise le jeune rappeur.
Avec « Quiet Mike », le duo gagnant
Et ces arrangements musicaux, c’est son grand ami rencontré durant le secondaire, Tom St-Laurent, qui les fait. Baptisé « Quiet Mike » parce qu’il ne parle pas beaucoup, le jeune musicien n’en regorge pas moins de talents et il forme une paire gagnante avec FouKi : « C'est facile, on a une bonne chimie, c'est efficace, c'est le fun », souligne Quiet Mike. « FouKi ne serait pas le même sans lui », renchérit son copain.
Le magazine web français Konbini estime que FouKi fait partie des cinq artistes du rap québécois à surveiller. Un rap québécois en pleine explosion de talents. « On se situe un peu entre le rap américain et le rap français, estime FouKi, de plus en plus je trouve que ça s'ouvre, il y a une ouverture d'esprit, partout où ça parle en français, les Africains, les Français, peuvent écouter ma musique, et il y a une explosion du rap belge, du rap suisse et du rap québécois aussi ! Et mes chansons commencent à passer dans les radios commerciales ici ».
Le « rap queb » en plein envol
Le milieu du rap québécois fait aussi preuve d’une belle solidarité : les valeurs sûres épaulent les juniors, les aident, les conseillent, font des projets avec eux : «
C'est vraiment cool, on est tous solidaires entre nous, peu importe notre âge, ce n'est pas en abaissant les autres qu'on va monter, c'est en montant ensemble qu'on fera du meilleur rap », fait remarquer le rappeur.
FouKi et Quiet Mike ne vont pas s’arrêter sur leur lancée : ils sont en train de préparer leur deuxième album, dont la sortie est prévue cette année, ils vont continuer à offrir des spectacles au Québec et ils comptent bien retourner en Europe aussi, car ils ont beaucoup aimé la petite tournée qui les a emmenés, l’automne dernier, à Paris, Lyon et Bruxelles. "
On plante des fleurs et ça va pousser", conclut le jeune rappeur… dans un élan poétique !