Au Grand Trianon du 30 mai au 24 septembre, le Château de Versailles consacre une rétrospective du séjour de Pierre Le Grand (1672-1725) , figure de proue d’une Russie moderne et francophile. L’occasion de revenir sur cette relation intime entre les artistes russes et la France.
Le 29 mai dernier, Emmanuel Macron accueille Vladimir Poutine à Versailles pour l’avant-première de l’exposition « Pierre Le Grand, un tsar en france, 1717». Une visite diplomatique tendue mais qui fait écho à celle du tsar venu séjourner trois cent ans auparavant à deux reprises en mai et juin 1717. Récemment, le succès de l’exposition « Chtchoukine » à la fondation Louis Vuitton a redonné une attention toute particulière à cette Russie qui fantasme la France.
Obsédé par Versailles
Le prestigieux musée de l’Ermitage à St Petersbourg partage au palais du roi de France des œuvres inédites des peintures, sculptures, arts décoratifs, tapisseries, des plans et livres, traces flagrantes d’une passion démesurée du tsar pour la culture française. Héritier de la dynastie des Romanov, Pierre le Grand gouverne la Russie depuis vingt-huit ans lorsqu’il visite la France en 1717. À Versailles où il fait étape deux fois, il est logé au Grand Trianon, du 24 au 26 mai, puis du 3 au 11 juin 1717. C’est le régent, Philippe d’Orléans qui règne sur le royaume, Louis XV est encore trop petit pour administrer.
On le dit léger, il s’amuse à enfermer des filles de joie dans les anciennes chambres de Madame de Maintenon. Ce voyage est motivé par la volonté de contrer la Suède en proposant un pacte d’alliance avec la patrie. Sans nul doute, il cherche à se laisser séduire par de nouvelles formes architecturales, à l’art militaire, à la construction de bateaux et demande à ses techniciens de croquer machines hydrauliques et plans des forteresses Vauban.
Une influence sans précédent
De ce séjour, un rapport fort naît entre le tsar et les artistes français. Dès 1716, il attire à la cour de Saint-Pétersbourg plusieurs maîtres, parmi eux Louis Caravaque, l’architecte Jean-Baptiste Le Blond et le sculpteur Nicolas Pineau. Dans une politique de grands travaux, il s’inspire de Versailles pour construire le Palais de Peterhof et transformer la ville royale. Fasciné par les jardins du palais, qu’il juge disproportionnés, il est charmé par les perspectives mathématiques. À Peterhof, il souhaite surpasser les fontaines versaillaises par une irrigation maitrisée à l’aide d’un aqueduc.
C’est sans rappeler Sergueï Chtchoukine , collectionneur fou de 130 oeuvres majeurs de l’impressionnisme français (Cézanne, Monet, Van Gogh, Gauguin… Picasso ). La langue française séduit et devient un marqueur social pour la Russie aristocratique.
Les artistes russes à Paris
Au XIX ième siècle, le romancier Pouchkine baigne dans une éducation où la langue française est le fondement de la culture générale. Un peu plus tard, Léon Tolstoï avouera avoir deux grandes inspirations « Rousseau et l’Evangile ». C’est en particulier la révolution d’octobre qui fait fuir les écrivains russes à Berlin et Paris. En peinture, Marc Chagall s’installe à Paris en 1923, lieu de son inspiration par la campagne française. Il se verra confier la tâche difficile de recouvrir le plafond de l’Opéra de Paris par André Malraux. «L’École de Paris» qui attire à l'époque des artistes du monde entier attirés par le foisonnement de Paris fera venir le peintre Chaîm Soutine.
La révolution permet aussi l’installation de
cinéastes russes notamment à Montreuil de1919 à 1929, une cinquantaine de films sont sortis, feront partis des grands classiques de l'avant-garde française.
L’exposition à Versailles trouve son intérêt non pas dans l’esthétique mais dans l’aspect historique de cette alliance franco-russe, une manière d'en savoir plus sur les influences de celui qui a fait de la Russie un pays moderne La langue et la culture française irrigueront les penseurs et artistes russes venus s’installer à Paris pour développer librement leur art.