C’est au « Pottoka », le restaurant du chef Sébastien Gravé, situé dans le septième arrondissement parisien, non loin du siège de l’OIF — l’Organisation Internationale de la Francophonie —, que le jury du Prix des cinq continents a choisi de se réunir, pour l’annonce publique de son lauréat 2018.
Attablés juste devant le bar de cet établissement, en présence de quelques
journalistes et des responsables de l’OIF, ce jury, était présidé par l’écrivaine et productrice radio, Paula Jacques.
Des votes serrés
Le « Pottoka » célèbre le rugby. Ce nom est l’emblème de l’Aviron bayonnais, club de rugby cher au cœur de Sébastien Gravé, originaire du pays basque. Ce dernier ne jure que par les produits du terroir, ceux du sud-ouest en particulier. Depuis ses débuts, il y a sept ans, il propose une cuisine qu’il qualifie de généreuse, et quelques spécialités locales – jambon de Bayonne, chorizo, merlu ou encore bonite – à partager sous forme de tapas.
Au menu ce midi, croustillant de pieds de cochon et moelle, ou du tartare de gambas et daurade, en entrée. Deux plats au choix : suprême de pintade fermière, ou du lieu jaune, mousseline de brocoli. Deux desserts pour finir : pamplemousse glace au miel, ou le chocolat, ganache, mousse, craquant et glace cacahuète.
Dans une ambiance chaleureuse, le jury poursuit les discussions autour des lauréats. Les votes ont été serrés cette année. Au quatrième tour de scrutin, le jury hésitait encore entre l’écrivain belge, Jean-Marc Turine, et la Québécoise Stéfanie Clermont. Finalement, le premier l’a emporté par sept voix, pour son roman, intitulé « La théo des fleuves », paru aux éditions Esperluete. Stéfanie Clermont obtient quant à elle, la mention spéciale du jury, pour son roman « Le jeu de la musique », paru aux éditions Le Quartanier.
Mettre en lumière les oubliés de l’Histoire
Théodora, ou Théo, l’héroïne du roman de Jean Marc Turine, est née Rom, à l’aube du 20ème siècle, qu’elle traverse en même temps que ses deux guerres mondiales, le communisme …
Pour l’écrivaine burkinabé Monique Ilboudo, le roman de Jean-Marc Turine mérite tout particulièrement d’être primé, tant elle a été touchée par sa thématique : l’errance, les souffrances et les discriminations subies par les Roms depuis des siècles.
« En tant qu’Africaine, souligne-t-elle, il y a des problèmes qui sont posés qui me touchent ; que ce soient les questions de mariage forcé, précoce, ça fait partie des combats que je mène chez moi, contre de telles pratiques. Les Tsiganes, c’est un peu comme les Nègres en Europe, discriminés, ballottés de gauche à droite. Et puis la figure de la grand-mère là, la Théo, ça m’a vraiment bouleversée ».
Les comités de lecture de l’OIF, à l’origine des dix ouvrages en compétition l’avaient relevé : la cuvée 2018 du Prix des cinq continents « met en lumière les oubliés de l’Histoire ».
Et ils ont ajouté, citant le célèbre écrivain français Albert Camus : « Si « mal nommer les choses ajoute au malheur du monde », mettre des mots sur la détresse et la déshérence mène à une prise de conscience qui, sans changer le passé, peut préparer le présent. Ces romans redonnent voix aux vaincus, laissés pour compte et marginaux ». Le lauréat 2018 s’inscrit sans conteste dans cette veine.