Jean-Baptiste Andrea a su conjuguer une personnalité rêveuse et une méthode de créateur concentré pour réussir d'abord dans le cinéma, puis dans la littérature où il a remporté mardi le prix Goncourt, pour "Veiller sur elle".
Le prix Goncourt a été décerné mardi à Paris à Jean-Baptiste Andrea pour "Veiller sur elle" (éditions L'Iconoclaste), une histoire d'amour au temps du fascisme.
Il est encore un "jeune" auteur, arrivé au roman en 2017. Mais le voilà consacré à 52 ans, pour une histoire d'amour au temps du fascisme en Italie, qui a déjà décroché le prix du roman Fnac à la rentrée.
"J'ai eu envie d'écrire quelque chose de plus grand que ce que j'ai écrit avant, de laisser derrière moi toutes les limites que d'abord je m'étais imposées en 20 ans de cinéma, puisque j'étais scénariste et réalisateur, mais que je m'étais aussi paradoxalement imposées sur mes trois premiers romans", expliquait-il fin octobre sur France Inter.
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Le grand écran a été son premier métier, dès la sortie d'études qui ne devaient pas forcément l'y mener. Après avoir grandi sur les bords de la Méditerranée, à Cannes, dans une famille qui mêlait des origines italiennes, grecques, baléares et pied-noir d'Algérie, il est parti vers de grandes écoles prestigieuses qui rassuraient ses parents, Sciences-Po Paris puis une école de commerce, l'ESCP.
Seulement, ce passionné de romans depuis le plus jeune âge ne voulait exercer qu'un seul métier: écrire. "Après mes études je n'ai pas eu de vrai boulot. J'ai écrit tout de suite", déclarait-il à la radio publique.
Il va percer dans le 7e art, jusqu'à réaliser son propre film, "Dead End" en 2003, remarqué pour son humour très noir. En 2006, il convainc David Schwimmer (Ross dans la série Friends) de prendre un rôle principal. Et en 2013, dernier tour à la réalisation, avec le thriller "La Confrérie des larmes".
La critique est mitigée. Et à 45 ans, en 2016, Jean-Baptiste Andrea n'est plus sûr de vouloir se lancer une nouvelle fois dans l'immense entreprise qu'est de réunir le budget pour un film. "J'ai senti que je heurtais un mur", se souvenait-il, interrogé par Actualitté cet été.
Pourquoi pas enfin écrire le roman qu'il avait en lui? "Je savais écrire un scénario, pas un roman. Un scénario c'est bordé, c'est confortable, et un roman tout est permis", relevait-il. Il rédige "Ma reine", qu'il envoie à une quinzaine d'éditeurs.
Refusé partout ailleurs, ce roman sur une enfance cruelle enthousiasme Sophie de Sivry, des éditions de L'Iconoclaste. Mais pas qu'elle: il décroche le prix Envoyé par la Poste, qui récompense des auteurs venus sans recommandation, ainsi que le Femina des lycéens.
L'Iconoclaste le couve. Et si son deuxième roman marche moins bien, le troisième, "Des diables et des saints", est un beau succès, couronné par le prix RTL-Lire. "J'ai quitté le monde du cinéma, j'étais un naufragé de ce monde", affirme-t-il alors au micro de la radio. Sans regret pourtant après ce "détour" par le grand écran.
Il peut alors se lancer dans une quatrième œuvre ambitieuse, comme il le disait à France Inter. Avec la discipline intellectuelle qui a toujours été la sienne, comme s'il séparait encore scénario et tournage. "Je prépare toute mon histoire. Celui-là c'est 10 mois de préparation, dans ma tête, sur un carnet. Je n'écris pas une ligne du roman. Et un jour, je me dis: mon histoire est là, je peux donc ne pas réfléchir en me demandant où ça va".
"Mes trois premiers romans étaient des huis clos. Là j'avais envie de briser toutes les frontières", détaille-t-il.
Ce sera une longue fresque sur la sculpture et l'Italie, le pays de sa grand-mère paternelle. D'après Le Monde, "un roman sculpté telle une visitation, dans le miracle du surgissement".