Le dernier album du compositeur belge Didier Laloy s'appuie sur un ensemble orchestral fait d'orgues acoustiques, d'accordéons et de percussions automatisés. Le résultat ? Une ivresse musicale inédite, novatrice... et bouleversante.
Au centre de la scène, une batterie sans batteur, un accordéon niché sur une colonne,
des vibraphones comme des bouts d'ailes d'avion . Le tout est ceinturé par une forêt d'orgues, étonnante tapisserie de bois.
Un bleu océan immerge tout à coup la scène.
Le concert débute. La salle de concert du centre Wallonie-Bruxelles à Paris affiche complet.
Apparait la silhouette de Didier Laloy, coiffé d'un haut de forme, un accordéon dans les mains.
Quelques notes s'élèvent, trois fois rien, des gouttes musicales, tandis qu'une silhouette de femme, pareillement coiffée d'un haut de forme, se positionne. C'est Kathy Adam, la violoncelliste du duo Belem.
Elle tourne la manivelle d'une boite à musique. Du carton perforé qui se déplie s'échappe une mélodie douce-amère qui va à la rencontre de l'accordéon. La communion musicale commence. Et nous voici déjà sous le charme.
Ce premier morceau achevé, la violonceliste s'empare de son instrument et Didier Laloy s'asseoit près d'elle. Pas longtemps. Le musicien aime taper du pied, faire virevolter son instrument, occuper l'espace. Kathy Adam, impressionnante de concentration, lui adresse régulièrement des sourires complices. Et ce duo acordéon-violoncelle est bientôt rejoint par un orchestre mécanique où flutes, orgues et percussions entrent dans la danse. Des instruments commandés par un ordinateur et un logiciel de musique. Osmose parfaite. Enchantement garanti.
Une musique pour les coeurs qui cognent
Nous voici pris par une émotion singulière, le sentiment troublant d'écouter la bande-son du film de notre vie, une vie passée, lointaine, et dont on n'aurait gardé au coeur que la morsure d'un vague souvenir.
Ces orgues nous interrogent.
Est-ce que nos aieux n'ont pas déjà été emportés par ce même flot musical ? Oui, certainement, c'est cela : cette musique s'est logée dans l'ADN de nos vies antérieures. Elle a traversé les époques, picorant au passage les différents courants mélodiques: gigues, tangos, ballades.... Elle nous revient maintenant en 2018, neuve et fraiche, riche d'émotions , offerte aux âmes délicates et aux coeurs qui cognent.
La musique de Didier Laloy est un voyage cardiaque.
Comment dire ? Imaginez une rencontre entre
Nino Rota,
Danny Elfmann et
Bernard Hermann, trois compositeurs majeurs dans l'histoire du cinéma. Les oeuvres de Didier Laloy semblent leur
rendre hommage.
On pense reconnaitre aussi les envolées du bandonéon d'
Astor Piazzola, on songe, et pourquoi pas, au rock de
King Crimson. Mais non. Il faut se rendre à l'évidence : tout cela ne tient pas.
L'univers musical de Didier Laloy n'appartient qu'à lui. Il est un mix de toutes ses influences intimes, une digestion de couleurs sonores, le maitre d'un continent étrange et tourmenté.
Le public semble stupéfait.
Quand s'achève un morceau, plusieurs secondes s'écoulent avant que ne crépitent les applaudissements, comme si les gens émergaient tout à coup d'un songe et se disaient :
"Ah, oui, c'est vrai, il faut applaudir..."
Et les morceaux s'enchaînent, et le voyage continue. Tour à tour inquiétant, mélancolique, enjouée, fiévreux, apaisé.
Nous n'écoutons pas la musique de Didier Laloy. Nous rentrons dedans comme dans un bain tiède. Et nous y sommes bien, flattés dans nos émotions.
Cette musique masse notre coeur. Elle apaise nos hématomes.
Des petites histoires qui explosent
A l'origine de cette aventure musicale qui ne ressemble à nulle autre, il y a une rencontre, celle de Didier Laloy avec Walter Hus, pianiste, compositeur avant gardiste dont la curiosite semble aussi insatiable que féconde.
En 2002, le bonhomme a rencontré à Herentals, près d'Anvers, les frères
Tony et Frank Decap, les derniers descendants d’une famille de manufacturiers d’orgues de barbarie. Le projet fou de domestiquer ces orgues mécaniques avec de l'électronique a porté ses fruits. Belem and the Mekanics est donc né de cette triple rencontre, Didier Laloy, Walter Huss et les frères Decap.
A l'issu du concert, nous faisons connaissance avec Walter Hus, tout sourire après ce triomphe parisien."
Quand j'étais gosse, j'étais émerveillé devant de telles machines se souvient-il.
Avec mes parents, on allait dans des salles de danse le dimanche où il y avait des automates qui jouaient. La différence entre les machines d'hier et celles d'aujourd'hui est cette modulabilité de la pression du vent, qui fait qu'on peut jouer avec le crescendo, le decrescendo. Mais cela n'est possible qu'avec une technologie très poussée. C'est le mariage entre quelque chose de très ancien et quelque chose de super morderne."Il tient aussitôt à préciser, fraternel : "
Mais la musique de ce soir n'est pas que de moi. Elle est surtout celle de Didier Laloy".Nous rencontrons le compositeur quelques minutes après : "
Je ne m'estime pas compositeur tient-il à préciser.
Je cherche toujours des petits prétextes à échange et donc je me raconte des histoires, des petites histoires qui explosent et qui deviennent "filmesques", des petites histoires transcendées magnifiquement avec l'orchestre de Walter.Une oeuvre singulière et forte
On reste soufflé par tant d'humilité. A moins que ce ne soit une blague. On insiste. Comment ça, pas compositeur ? "
Non, non appuie-t-il.
Je ne sais pas lire une note de musique ! J'habite à la campagne, je suis devant mon paysage et je me raconte des films que j'écris avec mon instrument, l'accordéon".
Il tient à saluer Kathy Adam, sa complice violoncelliste qu'il connait depuis 25 ans et qu'il a retrouvé un jour, hasard de la vie, dans un avion à un moment charnière de leur existence :
"Kathy, qui vient du milieu classique, est devenue mon nouveau coeur artistique. Tous les projets que je fais sont avec ce duo, le duo Belem. Il sort aujourd'hui son deuxième album".L'interressée
fait preuve d'une même humilité confondante.
Ah ! Décidemment, nous sommes bien loin de ces étoiles filantes à l'égo boursouflé et qui squattent toujours trop généreusement nos antennes.
"Oui, Didier ne lit pas la musique mais on s'en fout ! sourit-elle.
C'est précisemment la force de son écriture. J'ai plus d'émotion en jouant cette musique-là que lors d'un concert "classique". C'est une musique assez cinématographique, je pense. C'est la force de Didier. Sa musique est une émotion brute, sans aucune barrière, qui peut évoquer la mer du Nord, une mouche, son enfance..."Nous quittons le centre Wallonie-Bruxelles avec la conviction d'avoir assisté à un moment rare, la naissance d'une oeuvre singulière et forte, une oeuvre prête à conquérir le monde et qui, certainement, s'imposera par la seule force de son évidence et la puissance de son originalité.
CD
"Belem and the Mekanics"
Didier Laloy et Kathy Adam
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IGLOO Records / L’Autre Distribution