Il aurait enlevé un « O », on aurait cru qu’il tutoyait les étoiles et le ciel. GOD, mystique. Il a choisi d’en laisser deux et de rester à hauteur d'homme, nous prenant la main et nous guidant vers une écoute presque aristotélicienne :
GOOD, le bien, le bon.
GOOD, le titre de son nouvel opus. Le cinquième.
Rodolphe Burger est tout sauf un prétentieux. Travailleur acharné, il aura fallu presque 10 ans au guitariste-chanteur-compositeur pour livrer ce nouvel album solo, élaboré avec le percussionniste vaudois Christophe Calpini. Un album aux notes habitées et nostalgiques, au son enveloppant et mélodieux, produit par son propre label Dernière Bande.
Mais la question taraude, vue d’ici, à TV5Monde, où l’on porte la Francophonie en étendard : pourquoi avoir choisi un titre et des chansons en anglais ? Certes, « Good » sonnera toujours mieux que « Bien » et l'anglais se prête souvent mieux à la mélodie. Mais pourquoi, quand même ? Pourquoi ce spécialiste du verbe, cet explorateur de la langue érudit a-t-il davantage opté pour celle de Shakespeare plutôt que celle de Molière ou de Goethe qui lui sont plus familières ?
"Pourquoi GOOD ? GOOD en anglais, c'est pas pareil. (...) Ca dit plus que c'est bon ou c'est bien. (...) De tous les disques que j'ai fait c'est le disque qui s'est fait dans la plus grande sérénité (...)."
Six titres des douze titres de GOOD sont en anglais (dont les hommages à Cummings et à Beckett) , un en allemand et cinq en français.
"Ca me fascine ces histoires de différences de langues. (...) J'aime les frontières. Je viens d'un endroit frontalier et je trouve qu'il y a une richesse extraordinaire là-dedans. Ma langue natale est le Français. Je viens d'Alsace et cela a été assez déterminant. Je n'appartiens pas tant que ça à l'espace hexagonal (...)."
Le philosophe-chanteur alsacien, originaire de Sainte-Marie-aux-Mines, a toujours été à la croisée des langues, des territoires. Naviguant entre la Suisse, l'Allemagne et la France, la tête pensante du groupe mythique Kat Onoma (1986-2004) s'est construit depuis trente ans sa propre géographie musicale entre blues et rock, entre The Velvet Underground et Kraftwerk. Et son propre langage, nourri de déconstructivisme et de Dadaïsme à la sauce Pop.
Ses maîtres à penser s'appelent : Derrida, Deleuze, Barthes et Blanchot. Ses auteurs de chevet : Olivier Cadiot et Pierre Alféri, ses amis aussi.
Olivier Cadiot, l'écrivain fétiche
Olivier Cadiot, justement, avec lequel il a tant fouillé dans les tréfonds du verbe, plongeant dans le patois primitif et confidentiel de sa vallée natale, le welche, jusqu'à en tirer une oeuvre étrange, presque ethnographique :
On n'est pas des indiens c'est dommage. Première oeuvre d'une longue et fructueuse collaboration avec ce complice écrivain que l'on retrouve au détour de Poème En Or, 4ème titre de l'album et l'un des plus envoûtants et mystiques. Une traduction de la longue fréquentation des psaumes de la Bibles traduits par Olivier Cadiot.
A bientôt 60 ans, le musicien alsacien poursuit son aventure expérimentale, sensible et spirituelle. Nous attrapant par la main sur son chemin de crête. Convoquant contes et fantômes. Distillant ombres et lumières.
Good ?
Excellent !