Architecte, designer, le Milanais Ettore Sottsass renverse la table et la décoration bourgeoise avec Memphis, le mouvement qu’il crée en 1981 et que rejoignent de jeunes créateurs de toutes nationalités déterminés, comme lui, à faire voler en éclats les codes de la décoration et le bon goût.
Couleurs, formes, matières, rien n’échappe à leur vision radicale. Une bombe qui éclate au Salon du Meuble de Milan le 18 septembre 1981.
Fils d’architecte, Sottsass disparu à 90 ans à Milan en 2017. Il a travaillé quelques mois avec le designer américain Georges Nelson à New York. C'est là qu’il découvre la pop culture et la Beat génération.
Mais c’est sa collaboration avec la marque italienne emblématique Poltronova qui lance son style, ludique et coloré. Cette collaboration durera 10 ans et lui permettra de se rapprocher grâce à son langage graphique, carrés, lignes et cercles, des "grandes révolutions cosmiques dont la vie humaine est un fragment" comme il se plaisait à le dire.
Suivront 24 ans de collaboration avec Olivetti. L’entreprise de bureautique s’est toujours entourée de designers et sa machine à écrire Valentine, dessinée par Sottsass, équipera les bureaux du monde entier.
Dans les années 60, Sottsass devient l’un des membres clés de l’Anti-design, mouvement battant en brèche le fonctionnalisme inspiré du mot de l’architecte américain Louis Sullivan, « La forme suit la fonction ». L’esprit pop d’impermanence bouscule la durabilité des décennies passées.
La palette neutre est atomisée par la couleur et la production de masse par la préférence aux pièces uniques, aux prototypes. En 1985, Sottsass quitte le Groupe Memphis pour se consacrer à son agence et réaliser des maisons privées et son seul grand œuvre public, l’aéroport milanais Malpensa.
Quelques 40 ans après sa fondation, Memphis est de retour. Le style scandinave et ses teintes douces vus ad nauseam ennuient tout comme le fonctionnalisme avait ennuyé dans les années 60. L’exposition bordelaise tombe à point nommé pour rafraîchir le regard et retrouver l’énergie pop des années 80.
Bois, plastique, métal, stratifié. Couleurs primaires. Formes libres. Tout dans le style Memphis contribua à faire battre en retraite les teintes sobres et le bois massif des intérieurs classiques. Pop, rock, transgressif, joyeux, révolutionnaire… Aucun adjectif n’est de trop pour dire ce que le Groupe a voulu et a réussi à être, une bouffée d’oxygène dans un monde de la continuité visuelle et du bon goût rassurant. Paris Match qui n’est pas un journal révolutionnaire l’écrivait dès 1983 : « Après Memphis, rien n’a jamais été pareil dans l’histoire de la décoration d’intérieur ».
Installer l’exposition dans l’ancienne prison adjacente au Musée est osé mais l’écrin austère de pierre sombre met plus encore en exergue l’explosion de couleurs des nombreuses pièces présentées. Mobilier, art de la table, tissu, 160 exemples du style Memphis, la plupart prêtées par la société Memphis srl de Milan, répartis dans les anciennes cellules du XVIIème siècle : un contraste fort qui s’insère fort justement dans la saison culturelle "Liberté !" du 20 juin au 20 août dans la capitale girondine.
« Memphis, Plastic field » .
Musée des Arts Décoratifs et du Design à Bordeaux (France)
Du 21 juin 2019 au 5 janvier 2020.