Pain au chocolat, couque au chocolat ou chocolatine ? A chacun son français

Wassingue, torchon, serpillière... Autant de synonymes révélateurs des divers usages du français dans les régions de France, ou chez les voisins francophones belges et suisses. Le linguiste Mathieu Avanzi les a réunis dans un Atlas du français de nos régions. Une manière de valoriser ces particularismes régionaux parfois moqués. 
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Cartes Atlas des mots français
Variations de mots français dans les différentes régions françaises ainsi qu'en Belgique et en Suisse. 
©Atlas du français de nos régions (Edition Armand Colin)
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A midi, vous déjeunez ou vous dînez ? Mangez-vous un pain au chocolat, une chocolatine ou encore une couque au chocolat ? Passez-vous la wassingue, le torchon ou la serpillère ? Dites-vous poulé ou poulè ?  

Autant de mots qui sont, en fait, à chaque fois des synonymes tirés du français mais qui peuvent donner l'impression de parler une autre langue. Pourtant ces mots sont emprunts de l'ancien français, du patois et de langues régionales. Ils sont utilisés dans différentes régions de la métropole ainsi que chez nos voisins belges et suisses. 

Mathieu Avanzi, chercheur en linguistique à l’Université catholique de Louvain en Belgique, les a recensés sur son blog et aujourd'hui dans un livre Atlas du français de nos régions (Edition Armand Colin). 

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"Les régionalismes font partie de l'identité des francophones, de leur culture, de leur patrimoine, écrit Mathieu Avanzi, et ne devraient pas, en cette qualité, faire l'objet de stigmatisation sociale." Et d'ajouter : "il n'y a pas de variante qui est correcte, mais plusieurs". 
 

Atlas du français de nos régions Mathieu Avanzi
Extraits de l'Atlas du français de nos régions de Mathieu Avanzi (Editions Armand Colin)

Les Belges et les Suisses utilisent - comme au Québec et dans bien d'autres pays francophones africains - des mots français qui ne sont pas utilisés en métropole par exemple. 

Comment le français est-il parvenu jusqu'à ses deux pays voisins qui se sont appropriés cette langue qui continue d'y exister aux côtés d'autres langues officielles ?

Origines du français en Belgique et en Suisse

Si l'introduction du français est très ancienne chez nos voisins belges, sa forme écrite l'est complètement vers 1600. Cette langue reste celle des élites quand les dialectes continuent d'être utilisés par le reste de la population. Il faudra attendre le XXème siècle pour que tout le monde use de la même langue... Enfin presque : "Parler du français de Belgique est une simplification grossière parce que le français parlé à Bruxelles est bien différent de celui parlé à Liège ou à Mons, par exemple", explique Bernhard Pöll dans son ouvrage Les français et les langues d'Europe. 

En Suisse, le français se répand à l'écrit puis à l'oral grâce, notamment, à la Réforme. "Tenus de lire les textes sacrés (à haute voix), souligne Bernhard Pöll dans son ouvrage, les fidèles commencent à se familiariser avec cette langue dès le XVIe siècle, si bien qu’à la fin du XVIIIe siècle, l’ensemble de la population de Genève, de Lausanne ou de Neuchâtel parlait déjà couramment le français." 
 

Contrairement à la Belgique, les patois vont rapidement disparaître par le biais : "de l’école, qui avait repris l’idéologie linguistique française au XIXe siècle, pour pratiquer une chasse aux patois, parfois plus agressive qu’en France", écrit Bernhard Pöll. Le français parlé en Suisse n'en est pas pour autant homogène. Il a conservé des spécificités. 

Les Belges francophones et les Romands restent toujours attachés à la norme du français de France. 

Bernhard Pöll, linguiste.

C'est le cas du mot "natel" pour le téléphone portable ou l'expression "coter une porte" pour la fermer sont utilisés dans les cantons francophones comme bilingues franco-allemand mais pas en France. 

Mais certaines expressions en français particulières à la Suisse, sont tout de même utilisées dans les zones frontalières. C'est le cas du "cornet" pour le sac ou de la "panosse" pour la serpillère.

Les Belges francophones et les Romands restent toujours attachés à la norme du français de France, raconte Bernhard Pöll d'après des études menées. Mais ils ne renoncent pas pour autant au désir de marquer leurs distances, de souligner leur altérité tout en se définissant comme francophones à part entière."