Fil d'Ariane
Avec "Souvenirs en pagaille", (Séguier édition) le réalisateur Pascal Thomas ouvre le grenier de sa mémoire et nous offre une étonnante farandole d'anecdotes et de réflexions sur le cinéma et ses coulisses.
Tronches de vie et tranches de rire !
Sujets, réseaux sociaux, insultes, l'époque est aux formats courts.
Au lieu de nous embarquer dans une fresque professionnelle un peu étouffante avec un ouvrage-pavé qui compterait un bon millier de pages, Alain Kruger et Jean Ollé-Laprune ont eu la bonne idée de recueillir les anecdotes de Pascal Thomas et de distiller celles-ci lors de chapitres courts et pertinents. Tout cela se déguste gentiment, comme un aimable rosé un soir d'août.
Cette mosaïque de souvenirs ressemble aux films du cinéaste : il y a de la légèreté, beaucoup d'humour et quelques caresses décapantes (ainsi Vladimir Cosma, devenu presque son ennemi intime).
Dans cet ouvrage, heureusement, l'heure n'est pas aux ressentiments mais aux souvenirs.
Et quels souvenirs !
Pascal Thomas, c'est un peu le Marcel Aymé de la pellicule. Il fait éclore toute une galerie de personnages qui se rêvent séducteurs, aventureux, fougueux et qui le sont parfois mais juste le temps d'un rêve ou d'un malentendu. La réalité les ramène ce qu'ils sont vraiment : des êtres humains un peu poètes, un peu lâches, à l'audace prudente, enlisés dans un quotidien morne mais somme toute bien confortable.
Ses personnages nous ressemble un peu et c'est pour cela que les films du réalisateur sont difficilement oubliables.
Pascal Thomas aime débusquer les amours contrariées et les demi-succès sentimentaux. A sa manière, il est de la famille artistique de Maurice Pialat, la sécheresse et le vitriol en moins et de la famille de François Truffaut, le rire en plus.
La filmographie de Pascal Thomas débute avec Les Zozos (1972) où l'on suit les audaces d'un groupe d'ados aussi farfelus que maladroits, tous en quête d'étreintes physiques et d'orgasmes aussi bruyants que valorisants. L’œuvre qui suivra, une filmographie forte de vingt films (Citons La Dilettante (1999), Celles qu'on n'a pas eues (1981) , Le Voyage en pyjama (2024) puisera dans cette veine-là, où triomphe toujours une sincérité iconoclaste et bon enfant, une tendresse majuscule pour des personnages souvent minuscules et touchés par la grâce d'un sentiment.
Avec "Pascal Thomas, souvenirs en pagailles", nous l'écoutons égrainer ses souvenirs. On y croise ses solides copains (Rozier, Topor, Daniel Ceccaldi, Chabrol, Bernard Menez, le compositeur Reinhardt Wagner ...) et quantité d'artistes du 7ème Art devenus icônes : Truffaut, Welles, Hitchcock...
Pascal Thomas nous fait aussi pénétrer dans le marécage des films avortés (Mouche d'après Maupassant, La Fuite de Monsieur Monde, d'après Simenon, Le Roman de Renart avec Roland Topor...), il nous immerge dans les coulisses pas toujours reluisantes de la production d'un film avec son lot de crétins et d''incompétents mais aussi de personnes avisées et parfois même bienveillantes. Il n'oublie pas un de ses amis qui lui souffle : "Vous faites trois succès de suite, vous êtes le roi du monde, mais il suffit que le quatrième film ne marche pas pour que vous perdiez tout le crédit que vous aviez gagné...".
Le jeu, justement, Pascal Thomas, l'évoque et il n'hésite pas à conter ses succès au Loto, allant même jusqu'à reproduire dans l'ouvrage le gros chèque reçu un jour de la Française des jeux !
On restera un tantinet dubitatif sur l'abécédaire qui clôt son livre. Ainsi, à la lettre T (TITRE : Cinquante pour cent du succès d'un film. Il faut plus de temps pour trouver un bon titre que pour faire un bon film" écrit-il.).
Des broutilles.
Avec "Pascal Thomas, souvenirs en pagaille", nous entrons dans la mémoire vive d'un cinéaste important sans jamais avoir besoin de la cambrioler puisqu'il nous donne aujourd'hui ses clefs.
Prix : 21,00€
Format : 15 x 21 cm
336 pages
Parution : 18/01/2024
ISBN : 9782840497776