"Un artiste parfait, un personnage historique" pour le metteur en scène Jean-Pierre Vincent, un homme délicat, entier et réfléchi pour ses proches, Patrice Chéreau est mort à l'âge de 68 ans ce lundi 7 octobre à Paris d'une longue maladie. L'un des maîtres de la scène européenne depuis plus de quarante ans, il a marqué le cinéma, l'opéra et le théâtre de son temps. En juillet 2013, il présentait encore son
Elektra au festival lyrique d'Aix-en-Provence.
Un maître s'est tu
“Je suis un solitaire, je n'aime pas me répandre," disait Patrice Chéreau de lui-même. Et pourtant, cet homme seul avait le goût des autres : “je pense que je suis, avec bonheur, la somme de toutes les personnes que j'ai rencontrées“. L'annonce de son décès a été suivie d'une cascade d'hommages :
"L'un des plus grands artistes français" qui faisait "partout dans le monde" la "fierté" de la France, pour le président François Hollande. "Il a incarné la décentralisation culturelle, notamment aux Amandiers, révélé de grands auteurs et des grands comédiens. Et comme cinéaste, chacun de ses films était un chef d'œuvre."
"C'était un metteur en scène d'une grande culture, et d'une extrême délicatesse, traversé par une inquiétude, même après tout ce qu'il avait fait. J'ai adoré ses films, que j'ai vu adolescent, il faut dire que c'est aussi un très grand cinéaste, en plus d'un grand metteur en scène de théâtre et d'opéra", a dit Olivier Py, qui avait été "très soutenu par Patrice Chéreau" lorsqu'il avait été évincé de la direction du théâtre de l'Odéon en mars 2011.
"Avec Patrice Chéreau disparaît l'un de nos plus grands artistes et une part de nous-même. Nous nous sommes construits au fil de ses films, de ses pièces, de ses opéras", a déclaré la ministre de la Culture Aurélie Filippetti. C'était un homme magnifique, généreux, exigeant avec son talent et avec les valeurs qu'il incarnait".
"Un maître s'est tu", a tweeté le président du Festival de Cannes, Gilles Jacob. "Patrice Chéreau a rejoint le Panthéon céleste du théâtre."
"Sa mort, comme celle de Mastroiani, est la fin d'un monde", a écrit sur Tweeter le directeur de la MC93 Bobigny Patrick Sommier, tandis que le directeur de l'Opéra de Paris, Nicolas Joel, qui avait été son assistant sur le fameux "Ring" de Wagner à Bayreuth en 1976, s'est dit "bouleversé".
Le maire de Paris Bertrand Delanoë a salué dans un communiqué "un artiste exceptionnel doté d'une imagination et d'une vision prodigieuses", tandis que le président de l'Institut du Monde arabe Jack Lang évoquait "un talent surprenant, étincelant". L'ancien ministre de la Culture a souligné qu'il "était un découvreur d'auteurs exceptionnels", comme Bernard-Marie Koltès.
Opéra, cinéma, théâtre... Toutes les envies de Patrice Chéreau
Chéreau cinéaste
Il a signé 10 longs-métrages dont :
- La Reine Margot (1994), primé à Cannes ;
- Ceux qui m'aiment prendront le train, récompensé par 3 Césars en 1999 ;
- Intimité, Ours d'Ors à Berlin en 2001.
Chéreau à l'opéra
Il acquiert une renommée mondiale avec la Tétralogie montée avec Boulez pour le centenaire du Festival de Bayreuth, en 1976. Il collabore avec Barenboïm ("Wozzeck" en 1992, "Tristan et Isolde" en 2007), Daniel Harding ("Cosi fan tutte", 2005) et Boulez (après "Lulu" en 1979, "De la maison des morts" en 2007).
Chéreau homme de théâtre
Il dirige le théâtre des Amandiers de Nanterre de 1982 à 1990. Il y monte des pièces de Bernard-Marie Koltès, Jean Genet ou Heiner Müller, mais aussi ses propres oeuvres ("Combat de nègres et de chiens", "Dans la solitude des champs de coton"...)