Picasso s'intéresse à la danse populaire bien avant de découvrir des ballets. Jeune artiste, il s'amuse à croquer le cirque et le cabaret.“Quand on se penche sur ses premières oeuvres, dès la fin de sa formation, dès 1899,1900, on voit des danseuses qui apparaissent. Picasso mène une vie de bohème, entre les cafés, Montmartre. À l’époque, ce ne sont pas du tout des ballerines, ce sont des danseuses de cabaret, de “french cancan”, des danseuses de flamenco mais toujours dans des postures de cabaret”, explique l’un des commissaires de l’exposition, Bérenger Hainaut.
À partir des années 1910, l’univers du ballet le captive. En 1915, Jean Cocteau frappe à sa porte. Le jeune écrivain souhaite collaborer avec lui pour le ballet Parade. Le peintre accepte. “Pour le premier ballet Parade en 1917, Picasso réalise les costumes des managers, des danseurs représentant trois hommes-décor faisant la réclame d’un spectacle. Dans ce projet, il va apporter une touche cubiste”, raconte Bérenger Hainaut.
Au cours de ses diverses collaborations avec les ballets, les costumes de Picasso vont évoluer. “En 1917, ce qui est beaucoup décrié, c’est le fait qu’il ne se pose pas de question. Sur le costume des managers, il pose des sculptures cubistes. Alors à l’époque, le chorégraphe Léonide Massine s’était plaint parce qu’il ne pouvait pas les faire danser (...) les danseurs en étaient réduits à des jeux de jambes. Mais avec les années, Picasso va incorporer la contrainte du costume même s’il s’en échappe de nouveau, en 1924, avec le ballet Mercure”, souligne le commissaire de l’exposition.
L’artiste cubiste travaille avec la troupe russe de Serge Diaghilev, jusqu’en 1925.
Lors de sa collaboration avec les ballets russes, Picasso incarne une forme de renouveau. Il est alors entouré des plus grands, Jean Cocteau mais aussi Léonide Massine, le chorégraphe de la troupe.
Au fur et à mesure, une amitié naît dans cette petite troupe. Et il fait surtout la connaissance d’Olga Khokhlova, ballerine de la troupe, qui deviendra sa première femme, en 1912.
Au total, Picasso participe à l’élaboration d’une dizaine de ballets au cours de vie mais son implication évolue.
À ses débuts, Picasso réalise les décors, les costumes mais aussi les rideaux de scène comme ce fut le cas pour le ballet Parade (1917), Le Tricorne (1919) et Pulcinella (1920).
Avec les années, l’artiste touche-à-tout est de moins en moins engagé dans l’univers du ballet.
Il conseille et dessine parfois seulement le rideau de scène comme dans Le Train bleu (1924) et Le Rendez-vous (1945).
La danse sert aussi de source d’inspiration pour ses peintures, ses estampes. Il dessine des ballerines, des danseurs, il réalise des études de mouvements y compris des caricatures des personnes de son entourage.
Les saltimbanques, les forains, le cirque, par exemple, font partie de ses grandes inspirations, “on les retrouve partout dans ses costumes, dans ses oeuvres, dans ses estampes, dans ses peintures. Dès 1900, 1902, 1904, car Picasso est un habitué du cirque, notamment du cirque Medrano et toute cette thématique du cirque va infuser son oeuvre”, insiste Bérenger Hainaut.
A la fin de sa carrière, dans les années 1960, l’érotisme guide ses oeuvres. “Picasso réinvestit tous les sujets qui sont les siens depuis 1900 mais en les chargeant d’une dimension érotique extrêmement forte”, raconte Bérenger Hainaut. La danse prend une dimension plus sexuelle, les femmes se déhanchent, complètement dénudées. “Le spectateur devient voyeur” ajoute le commissaire.