Fil d'Ariane
Troisième antenne délocalisée du musée parisien et première en dehors de l'Europe, ce Centre Pompidou ouvre dans un quartier actuellement en profonde restructuration à vocation culturelle : le West Bund.
Ce « Museum mile » s'étend sur une dizaine de kilomètres à l'ouest de la ville, le long des berges de la rivière Huangpu. On y trouve déjà le Long Museum, le Yuz Museum, le Centre de la photographie de Shanghaï, le parc Tank Shanghaï Art Park et le Start Museum. Le bâtiment de 25 000 m2 a été conçu par l'architecte britannique David Chipperfield.
Cette inauguration est l’aboutissement d’un projet de longue haleine, lancé par Bruno Racine directeur du Centre Pompidou en 2007. Le Centre fait ses premiers pas sur le territoire chinois, en 2005, dans le cadre de l’année de la France en Chine, en organisant l’exposition « Nouvelles Vagues, un point de vue sur l’art français contemporain» au Shanghaï Art Museum - le seul musée d’État de l’époque.
Puis en 2006, le musée parisien annonce sa volonté d’ouvrir une antenne à Shanghaï pour y exposer une partie de sa collection. « Le site est alors soigneusement choisi sur la prestigieuse Huaihai Road, au cœur de l’ancienne concession française. [...] L’ouverture était initialement prévue pour 2010, mais il semblerait que l’annonce prématurée du ministère français de la Culture ait agacé le gouvernement chinois qui a mis un terme aux discussions. C’est la Maison Hermès qui a depuis récupéré le bâtiment. Mais si le projet n’a pas abouti à l’époque, c’est aussi et surtout du fait de désaccords entre les différents partenaires, notamment concernant le contrôle de la programmation par Paris », peut-on lire dans Le Journal des Arts.
Outre présenter une partie de la collection parisienne, le Centre Pompidou Shanghaï s'engage à mettre en valeur l'art contemporain chinois et à nouer des relations avec la scène locale. C'est en tout cas l'objectif commun sur lequel Fang Shizhong, à la tête du West Bund Museum Center, et Serge Lasvignes, président du Centre Pompidou, semblent s'être entendus.
La marque « Centre Pompidou » se paye. La Chine va verser une redevance annuelle de 1,4 millions d'€ pendant 5 ans (renouvelable) et 2,75 millions d'euros pour l'ensemble de ses prestations.
L’enjeu financier est réel, mais c’est surtout une manière de faire rayonner la culture française. Il faut savoir que plus 90% des collections d'Art moderne et contemporain dorment dans les réserves faute de place.
Le musée français ne pourra cependant pas déroger à la règle : le contrôle exercé par les autorités chinoises sur toutes les oeuvres exposées.
Ce concept de centre provisoire a déjà été testé à Málaga en Espagne et à Bruxelles.
Pour Bruxelles, le directeur du centre Pompidou de Paris, Bernard Blistène, avait conçu une exposition d'ouverture avec des œuvres des collections parisiennes qui s'est fermée cette automne. A son ouverture, le projet a engendré beaucoup d'attente, et suscité aussi de nombreuses interrogations parmi les acteurs institutionnels bruxellois.
L'appel à une collection étrangère a fait ressurgir la question des collections fédérales d'art moderne et contemporain, inaccessibles au public depuis 2011 après la fermeture du département d'art moderne et contemporain des Musées royaux des beaux-arts de Bruxelles par son conservateur.
L'ouverture de Málaga va elle se poursuivre jusqu'en 2025 : la municipalité andalouse et Beaubourg ont renouvelé en février 2018 leur partenariat pour cinq ans, forts du succès public du centre qui a accueilli 500 000 visiteurs depuis son ouverture en mars 2015.
Cette inauguration aura peut-être été une respiration bienvenue pour le président Macron, au milieu de deux jours de discussions difficiles sur le commerce et le changement climatique, et dans un contexte de relations sino-françaises particulièrement tendues depuis que la France a accordé le droit d’asile à Meng Hongwei, la femme de l’ex-directeur d’Interpol.