Prague, tout un Monde des Livres

La trentième édition du « Svet Knihy », le Monde des Livres de Prague, s'est tenue du 15 au 18 mai dans la capitale tchèque. Un rendez-vous littéraire annuel des plus importants d'Europe centrale. Slimane Zeghidour, éditorialiste à TV5MONDE, en a fait le tour et y interroge la place du français.

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Prague directeur livres

Guillaume Basset, directeur artistique et de programmation du Svet Knhi, le salon du livre de Prague.

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« Énergie de la jeunesse-Sagesse des livres » ! C’est sous ce mot d’ordre conjuguant vigueur et finesse que s’est déroulée, du 15 au 18 mai courant, au parc des expositions, la trentième édition du « Svet Knihy », le Monde des Livres de Prague. Ce rendez-vous annuel, qui a déjà l’âge de la Tchéquie, est l’un des plus importants de l’Europe centrale.

Quatre jours où l’on a vu défiler sans discontinuer un public plutôt jeune, et même très jeune puisqu’on y a vu accourir, à jets continus, des groupes scolaires entiers, curieux de tout. Il faut dire que pour ces lecteurs en herbe, le salon a tout prévu : contes populaires, bandes dessinées, petits atlas de culture générale, fables et légendes, le tout illustré de somptueux dessins, gravures et cartes.

Le Portugal à l'honneur

Invité d’honneur, le Portugal a pu présenter pas moins de huit auteurs, ravis de découvrir ce pan encore méconnu du Vieux Continent, eux qui n’ont jusqu’ici eu de grands yeux que pour l’ouest.

Invités, également, la lauréate polonaise du Nobel de littérature, Olga Tokarczuk, le scénariste et écrivain ukrainien Andrei Kourkov, le romancier bulgare Georgi Gospodinov. Une discussion à bâtons rompus autour du thème « Livres contre l’oppression » a réuni l’auteur biélorusse Sasha Filipenko et l’Ukrainien Andreï Kourkov. Débats, récitals de poésie, dédicaces et échanges entre lecteurs et auteurs tchèques et étrangers, auront émaillé ces jours d’emplettes de livres.

Au bilan, deux écrivains ont reçu, chacun, un prix du Svet Knihy, le Prix de l’UE de littérature pour l’italienne Nicoletta Verna, auteure des « Jours de verre », chronique d’une cabale contre une femme dans un Italie rurale rongée par le machisme et la misogynie. L’autre lauréat, le franco-algérien Boualem Sansal, étant absent, ce sont ses deux filles, tchèques par leur mère, qui ont reçu le prix Jiri Theiner, du nom d’un dissident tchécoslovaque réfugié à Londres d’où il diffusait son bulletin « Index of Censorship », dénonçant la censure et la répression contre les artistes et les intellectuels.

(Re)voir Littérature : hommage à Boualem Sansal

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En Tchéquie, le français est menacé par l’espagnol

Guillaume Basset écrivain, poète, directeur artistique et de la programmation du Salon de livre de Prague, a bien voulu en dire plus à TV5MONDE.

TV5MONDE : Quel bilan tirez-vous de cette 30e édition ?

Guillaume Basset : Extrêmement positif. Avec 63 000 visiteurs sur 4 jours, nous avons battu un revigorant record d’audience. Pour comparaison, il y a dix ans, nous n’en avions eu « que » 38 000. En tout état de cause, nous enregistrons un record d'audience croissant, d'un salon à l'autre.

Bien sûr, la présence de stars comme la prix Nobel Olga Tokarzcuk, le prix Médicis Andreï Kourkov ou encore le Man Booker Prize Georgi Gospodinov nous ont non seulement honorés mais plus encore trouvé un écho fort et fécond auprès des lecteurs tchèques. Enfin, la remise du prix Jiri Theiner à Boualem Sansal, à ses filles tchèques et en présence du ministre de la Culture a été un moment fort, cumulant littérature et politique à une émotion indescriptible.

TV5MONDE : Le stand "français" est en fait francophone puisque des écrivains du Maghreb, de l'Afrique ou des Antilles peuvent y être accueillis ?

Guillaume Basset : En effet, le stand “français” est, dans les faits, plus un stand francophone puisqu’il représente tous les auteurs qui écrivent en français : des “Européens” aux “Africains” en passant par les “Maghrébins” - et même les Tchèques ayant choisi le français comme langue d’écriture, tels que Kundera évidemment, mais aussi Patrik Ourednik ou encore Lenka Horakova-Civade…

C’est d’ailleurs une tendance prégnante au Svet Knihy: les germanophones sont ensemble au sein du programme “Das Buch”, les hispanophones au sein de l’”Instituto Cervantes”… Le stand “français” n’est pas encore, officiellement, le “stand francophonie” mais nous y travaillions.

TV5MONDE : Où en est la diffusion du français en Tchéquie ? Une rumeur laisse entendre que la France pourrait être le prochain pays invité d'honneur du Svet Knihy 2026.

Guillaume Basset : Le français est dans une situation compliquée. Il est déjà derrière les langues étrangères majeures en Tchèquie que sont l’anglais (évidemment) et l’allemand (pour des raisons tant géographiques qu’historiques) mais il est surtout menacé par la montée en puissance, ces dernières années, de l’espagnol. Quant à être l’invité d’honneur : c’est effectivement une possibilité, mais la compétition reste ouverte pour 2026…