L’initiative n’est pas seulement originale, elle est aussi très aboutie. C’est un régal pour les sens et une puissante source d’apaisement pour les âmes. Intitulé Fragments, cet ouvrage littéraire non identifié procède d’une démarche artistique totale. Trois artistes mettent en commun leurs sensibilités, leur fraternité, afin de mieux célébrer la vie, l’amour.
Une aventure qui a commencé au sein du Collectif On A Slamé Sur La Lune, auquel appartiennent le poète et slameur Marc Alexandre Oho Bambe, dit Capitaine Alexandre – nom de scène qui était le nom de guerre du poète français René Char –, et le pop artist et graph’designer Fred Ebami, tous deux d’origine camerounaise. Ce collectif porte et développe notamment des concepts comme celui d’Expoésie, qui, précise Capitaine Alexandre, « mêle art visuel, poésie et musique live, dans les galeries d’art, salles de spectacles et autres lieux improbables. »
L’idée d’un livre est donc apparue comme le prolongement naturel de cette énergie collective, de cette passion en partage pour l’amour de l’art. Et comme la vie fait bien les choses, elle a conduit leurs pas vers ceux du Béarnais Alain Larribet, passionné par les instruments des terroirs du monde et co-fondateur de la compagnie Pléiades, à Oloron Sainte Marie, dans le sud-ouest de la France.
« Nous avions envie de donner au monde, souligne Fred Ebami, quelque chose de singulier, d’inédit et de vital à nos yeux d’artistes hybrides. » Le résultat est une véritable réussite. Avec les enregistrements musicaux qui l’accompagnent, cet ouvrage littéraire non identifié permet de vivre une formidable expérience simultanée d’écoute, de lecture et de visualisation.
L’ouvrage s’ouvre sur une phrase qui résonne telle une sentence : réapprendre à vivre ! A l’écoute, comme à la lecture, elle revient sans cesse, telle une ritournelle. Pour Capitaine Alexandre : « Réapprendre à vivre est une invitation « fête » à chacune, à chacun, à toutes et à tous, à sortir de la frénésie quotidienne, pour renouer avec sa part de « soie », son poème originel, son rêve encré/ancré.» Et il ajoute : «Il y a aussi une référence personnelle, intime, universelle aussi, puisque je parle également de réapprendre à vivre après la perte d’un être cher. »
Pour Fred Ebami, cette injonction tient au fait que l’univers a besoin, plus que jamais, de vivre joyeux, ensemble, besoin d’amour, d’air… et d’art pur. A ses yeux, la religion ultime est l’Amour, réapprendre à vivre dit-il, « c’est renouer avec le partage qu’est cette religion d’amour. » Et si cet "ouvrage littéraire non identifié" enchante tant, c’est aussi sans doute grâce à la quête constante d’harmonie qui anime ses auteurs.
Nés tous les deux en 1976, Fred Ebami et Marc Alexandre Oho Bambe se sont connus adolescents, lors d’une partie de foot, à Douala, la capitale économique camerounaise. Ensuite, les deux amis ont quitté leur terre natale. Le premier sera notamment diplômé d’Oxford College, tandis que le second fera ses études à l’EFAP, l’école française des attachés de presse. Depuis, ils poursuivent chacun son chemin, mais collaborent dès qu’ils en ont la possibilité.
Et pour Fred Ebami, comme pour Marc Alexandre Oho Bambe, la rencontre avec Alain Larribet est plus récente. Les deux rencontres se sont d’ailleurs faites dans le sud-ouest de la France. « Alain et moi nous sommes rencontrés à Bayonne, se souvient Capitaine Alexandre, lors du festival Ethiopiques, qui célèbre la relation au sens où l’entend feu l’écrivain, poète et philosophe martiniquais Edouard Glissant. Alain jouait en ouverture de la manifestation, et moi je la clôturais. Nous avons eu un coup de foudre artistique et humain. Sa voix réveille les aurores boréales en nous, et sa musique transporte l’âme. »
Entre ces deux-là, il y a eu comme une évidence. Il en est de même pour Fred, qui trouve la musicalité d'Alain envoûtante. Et le trio chemine avec bonheur. Pour ce projet d’ouvrage littéraire, il y a d’abord eu l’écriture, celle de Marc Alexandre Oho Bambe, qui échangeait régulièrement ses fragments avec Fred Ebami. Un échange permanent et des allers-retours incessants entre leurs imaginaires en fusion.
Une fois le texte terminé, ils se sont retrouvés avec Alain Larribet. « Et on a essayé, souligne Capitaine Alexandre, cherché, trouvé la juste évidence, la juste résonance, les justes notes pour mes mots et mon flot. On a passé deux jours de studio ensemble, chez lui, et il a composé la musique de Fragments, en suivant une intuition. On a enregistré à l'ancienne, en « one shot ». On ressentait l'évidence et le sens du projet. C'était beau, sincère et vrai. Comme ce qui nous lie. Et nous livre ensemble à notre art de vivre. »
Justement, la bande originale du livre nous offre des compositions qui mêlent subtilement les rythmes : jazz, musique classique… Dans son canapé ou sur une chaise longue, confortablement installé, l’on peut télécharger cette BO, l’écouter en lisant, tout en admirant les visuels de Fred Ebami.
Et pour ces illustrations, Fred a choisi des couleurs vives, éclatantes, parfois pastel. « J’avais envie de représenter, dit-il, la chaleur de la vie, de l’amour, j’avais envie de faire sentir et ressentir la beauté de la vie exaltée, passionnée, justement et simplement à travers des formes et des couleurs soleils pour l’âme. C’était un défi, inviter lectrices et lecteurs à un voyage sensoriel par l’image. »
Une belle réussite collective ! A l’instar de son « Opéra Slam Baroque », adapté de son livre De Terre, de Mer, d’Amour et de Feu, paru il y a deux ans, chez Mémoire d’encrier, Capitaine Alexandre et ses camarades de poésie et de musique présentent actuellement « Fragments, Opéra Slam… », spectacle qui accompagne la sortie de cet excellent ouvrage littéraire non identifié.