QUAND MAGRITTE ET GEORGETTE MÈNENT L'ENQUETE

La romancière belge Nadine Monfils embarque René Magritte et sa femme Georgette dans des enquêtes policières aussi déjantées que délicieuses. Mais ces aventures haletantes ne sont pas que le fruit d'une imagination luxuriante...

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Les aventures policières de René et Georgette Magritte
Edition Robert Laffont/La Bête noire
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On ne présente plus René Magritte.

Avec Simenon, Hergé et Brel, il appartient à ces monuments nationaux belges comme la Tour Eiffel en France ou le monument Champlain dans le Vieux-Québec. La romancière Nadine Monfils, déjà auteure de près de quatre-vingt ouvrages, a eu la bonne idée de redonner vie au fameux peintre sous les traits d'un enquêteur. La loupe a remplacé le pinceau le temps d'une affaire mais son prestige demeure : partout où il passe, on reconnait l'artiste, on lui ouvre les portes, on le complimente, le flatte. Magritte est (enfin) prophète en son pays ! Et sa notoriété facilite grandement ses investigations. Certes, il continue de travailler ses toiles et lorsqu' il quitte son chevalet planté dans le salon (Magritte, en effet, détestait peindre et n'avait pas d'atelier ), c'est pour plonger dans une affaire atroce avec une toile de fond,  sanguinolente cette fois.

Georgette et René Magritte
Georgette et René Magritte vers 1922

L'écrivaine n'a pas laissé le génial artiste se débrouiller seul pour résoudre ses enquêtes tordues et loufoques : elle lui a adjoint Georgette, qui fut sa femme dans la "vraie vie".

L'épouse discrète, disparue en 1986, fut sa muse, son principal modèle et surtout son indéfectible soutien durant toute sa vie. Elle accompagna René Magritte lors des décennies ingrates comme à l'heure de sa reconnaissance internationale. Oui, vraiment, Georgette méritait bien cette mise en lumière aux côtés de son diablotin d'époux. Ajoutons que Nadine Monfils a autrefois fait la connaissance de son personnage. C'était au début des années 80. Alors qu'elle était une écrivaine déjà confirmée, elle a osé sonner à la porte de la rue des Mimosas à Schaerbeek, où résidait Georgette Magritte. Elle n'a rien oublié de leur conversation ni des tableaux qui habillaient les murs de la maison...

Avec Les Folles enquêtes de Magritte et Georgette, voici donc Chapeau melon sans bottes de cuir !

Déjà, les titres des ouvrages donnent un indice sur ce qui va suivre : Nom d'une pipe ; Leffe-toi et marche ! ; Charleroi du crime etc.  Et c'est un bonheur de lecture parce que le style de Nadine Monfils est léger, alerte, truffé d'allusions fines qui sont autant de clins d'œil à notre mémoire artistique. Ainsi, on trouve nombre de détournements sympathiques au fil des pages :  "La mer qu'on voit se vautrer le long des golfes clairs" écrit Nadine Monfils (allusion à La Mer de Charles Trenet) ou carrément des paroles du Grand Jacques :  "Ma mère, arrête tes prières, retourne en enfer..." (la chanson Mathilde de Jacques Brel).

Surtout, très vite, une drôle d'impression vous saisit au fil de votre lecture. Il y a des éléments qui nous sont familiers tant ils sonnent justes. Et pourtant, nous sommes en pleine fiction.  Et de s'apercevoir que ces romans policiers sont construits selon une architecture rigoureuse, basée sur le socle d'une vérité historique et sertie de détails tous plus exacts les uns que les autres.

Ce qui se confirme après notre discussion avec l'auteure :  "Je fais, affirme Nadine Monfils,  un travail d'enquêtrice et chaque ouvrage nécessite de nouvelles recherches. Par exemple, dans mon prochain livre qui va sortir en mars, Magritte se rend à Montmartre où il rencontre Boris Vian. Eh bien, j'ai tout lu de Boris Vian et sur lui ! Pour moi, Magritte est un personnage inépuisable, fabuleux ! Vous savez, je ne peux écrire que si je suis amoureuse de mes personnages. Je respecte René Magritte : tous les dialogues sont tirés de ses interviews de ses écrits, de sa correspondance..."

Ce souci de véracité infuse une atmosphère unique dans ces enquêtes menées avec une jovialité contagieuse. On lit les dialogues comme on assiste à une conversation devant nos yeux. Enfin, le sens de l'articulation des scènes relève d'un savoir-faire quasi cinématographique. Au point qu'il n'est pas interdit de s'étonner :  pourquoi donc ces aventures de papier n'ont toujours pas fait l'objet d'une adaptation télévisuelle ? Nul doute qu'une série intitulée "Les folles enquêtes de Magritte et Georgette" ferait un tabac.

A déguster avec une pipe, il va sans dire.

"Les folles enquêtes de Magritte et Georgette" de Nadine Monfils

ÉDITION LA BÊTE NOIRE / ROBERT LAFFONT

14,90 euros le volume