Rencontre avec "The Dizzy Brains", groupe de rock malgache

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the dizzy brains
Eddy, le chanteur du groupe de rock malgache The Dizzy Brains. 
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Ces quatre jeunes font le tour du monde avec leur musique rock "de garage" loin de leur pays, Madagascar. The Dizzy Brains chantent en malgache, en français et en anglais. Leur chanteur Eddy Andrianarisoa était l'invité de notre magazine Maghreb-Orient Express. 
Pour son premier séjour au Maroc, The Dizzy Brains participe au Visa for Music du 16 au 19 novembre, un festival où se rencontrent les musiques africaines et du Moyen-Orient. 

Les quatres membres du groupe s'y sont rendus pour faire entendre leur son. Et c'est à cette occasion que Mohamed Kaci les a rencontrés pour Maghreb-Orient Express : 
 


Leur nom signifie en français : "Les cerveaux vertigineux" ou étourdis. "On a juste trouvé le nom en anglais et on n’a qu’ensuite réfléchi à son sens et fait un lien avec ce qu’on a vécu et ce qu’on vit à Madagascar", raconte Eddy Andrianarisoa à Mohamed Kaci. Si le groupe chante souvent en anglais (rock oblige), il joue aussi des chansons en malgache et en français. C'était le cas notamment dans leur reprise du titre « Les Cactus » de Jacques Dutronc . 

Leurs influences ? David Bowie, Serge Gainsbourg, The Velvet Underground... Quant à leur rapport à leur pays, la francophonie... ? Le chanteur Eddy Andrianarisoa répond à Mohamed Kaci. 

Est-ce difficile de faire de la musique à Madagascar ? 

Être musicien à Madagascar, c’est tellement dur. On a eu du mal à trouver un label, une maison de disque. Être un musicien malgache, c'est chercher soi-même ses concerts, louer son propre matériel. Tu as envie de faire de la musique mais tu n’en as pas les moyens. Après des années de galère, on a eu la chance finalement d’être aidés. 

Que racontent vos chansons comme le titre « Venge »  (les crocs) ?

Elle raconte l’histoire des Malagaches, de la politique... ça veut dire les crocs parce que dans la chanson, on raconte que quoi que tu veuilles faire dans ton pays, il faut sortir les crocs pour réussir. Alors que pourtant on aimerait simplement avoir une vie paisible. 



Représentez-vous finalement la voix des sans voix à Madagascar ? 

On ne veut pas trop être vus en tant que représentants ou porte-paroles de la jeunesse. Mais on l’est devenu malgré nous. Du côté du public malgache, il n’était pas trop partant pour nous suivre. Mais finalement, il est venu vers nous petit à petit. On a d'ailleurs décidé à la fin de cette tournée de faire un concert pour eux à Madagascar. 

Vous chantez en malgache mais aussi en français .... Que représente la francophonie pour vous ? 

Pour nous, ça a toujours reflété la politique. Quand les gens parlent de francophonie, les Malgaches s’en foutent carrément. C’est un truc qui ne s'échangent qu'entre ceux qui mettent les cravates, les vestes. 

Ce n’est qu’ici [en dehors de Madagascar] que j’ai vu que c’était un truc culturel, ça parle d’art, de partage. Il y a beaucoup plus de choses intéressantes derrière la francophonie que de la politique. Cela représente l’univers dans lequel je suis entré, la musique. 

Comment ça se passe votre vie à Madagascar, vous me disiez que vous deviez laisser un pot-de-vin à l'aéroport...

C’est toujours le cas à Madagascar. A l’aéroport ou partout où l’on va. Par exemple, en préparant nos passeports, on a du payer 4 fois plus cher. Quand tu marches dans la rue, il y a des gens qui te rackettent. Mais on y peut rien. C’est comme ça la vie là-bas. Les Malgaches sont pauvres. Quand on a l’occasion de racketter quelqu’un, on le fait. C’est la jungle, c’est la loi du plus fort. 

Êtes-vous confrontés à la censure ? 

On n’est pas censurés mais boycottés. Les médias ne veulent pas diffuser nos chansons. Cela fait 7 mois que l’on n’est pas rentrés. Depuis le mois d’avril, on est en France et on fait le tour du monde : La Réunion, la Belgique, et là le Maroc. 
Le grand test ce sera quand on va rentrer. Est-ce que je vais toujours être le petit Eddy ou le grand Eddy comme les Malgaches le disent ?

Votre exil est-il envisageable ?
 

Mes parents me l'ont conseillé. Avant de partir de Madagascar, nos parents nous ont dit à moi et mon frère [musicien dans le groupe, ndlr] de trouver un moyen de rester où on ira parce que le pays commence à dégringoler totalement. Mais en ce moment notre pays nous manque. C’est notre pays de coeur malgré tout ce qu’il se passe là-bas. 

Cette résilience des Malgaches est pourtant là… en dépit des crises et de la pauvreté ?

Je m’étonne toujours et je suis fière d’être Malgache pour ça. Ils sont tellement courageux. Ils n’acceptent ni la défaite ni la pauvreté même s'ils y sont jusqu’au cou. Si tout le monde se débrouille en réunissant leur force ça pourrait changer quelque chose.