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Restitution des oeuvres pillées en Afrique : l'Unesco facilitateur

Quand et comment les musées européens vont-ils restituer les biens culturels pillés en Afrique ? Des œuvres en grande partie raflées à l'époque coloniale, et dont le président français s'est engagé à faciliter la restitution. Tel était l'ordre du jour de la conférence qui s'est tenue ce 1er juin à Paris sous l'égide de l'Unesco. 

"Ces biens ont une âme", a lancé le président béninois Patrice Talon dans un vibrant plaidoyer pour que les biens culturels soustraits aux Africains pour être exposés dans les musées d’Europe reviennent "sur leurs terres de création, exposés parmi les leurs, là où tout est en accord avec leur essence et là où leur histoire révèle davantage leur grandeur que leur asservissement". Plusieurs pays d’Afrique, mais aussi du Moyen-Orient, d’Amérique latine et d’Asie ont ainsi plaidé vendredi, à Paris, sous l'égide de l'Unesco, pour la restitution à leurs pays d'origine de biens culturels pillés, exhortant à la résolution rapide des obstacles au retour de ce patrimoine.

Voici plus de 40 ans que l'Unesco soutient le combat des pays qui exigent la restitution de leurs biens culturels disparus à l'époque coloniale dans des circonstances troubles. Des directeurs de musée, une quinzaine de ministres venus du monde entier — du Bénin, du Sénégal, du Gabon, du Pérou, du Liban, de Jordanie… — ainsi que des experts ont participé aux débats. Les ministres française et allemande de la Culture étaient, elles aussi, présentes.

C’est la directrice générale de l'Unesco, l'ex-ministre française de la Culture, Audrey Azoulay, qui a ouvert les débats autour de ce "sujet au coeur de bien des passions qui emporte avec lui les questions d'identité, de mémoire, de souveraineté." L’objectif de cette conférence, c’est aussi d’évoquer de nouvelles formes de coopération, au-delà de la forme juridique, explique-t-elle : "Cette prise de conscience n'est pas qu'une affaire d'experts, de gens du patrimoine, c'est très présent aussi dans l'esprit de la jeunesse d'aujourd'hui".

Construire un futur partagé

Si la controverse concerne nombre de pays dans le monde, l'Afrique est le continent le plus touché. Plus de 90% des pièces majeures d'Afrique subsaharienne se trouveraient hors du continent. Pour de nombreux États africains, la conférence de Paris était donc un rendez-vous très attendu, d'autant que les pays spoliés sont de plus en plus nombreux à réclamer à l'Europe leurs œuvres culturelles et artistiques. Et depuis quelques années, les refus de restitution se multiplient, à l'égard du Nigéria et du Bénin, par exemple.  "Notre message est clair, déclare Oswald Homeky, ministre de la Culture et du tourisme béninois. Ces biens doivent être restitués dans une dynamique de coopération, avant que nous puissions régler la question de la propriété."  

Pour le Bénin, les biens culturels sont désormais un moyen de lutter contre la pauvreté.
Patrice Talon, président de la république du Bénin

Pays le plus demandeur, le Bénin cherche à récupérer une partie des trésors du Royaume du Dahomey accaparés lors des batailles coloniales entre 1892 et 1894, mais aussi par des missionnaires ou des missions culturelles — trônes royaux, récades (sceptres royaux), portes sacrées du Palais d'Abomey... "Au delà des questions d'ordre politiques, historiques, sociologiques, philosophiques, la restitution, le partage et la circulation des biens culturels sont désormais pour le Bénin un moyen de lutter contre la pauvreté et un facteur de créations d'emplois et de richesses, un outil de développement socio-économique", explique le président Talon, qui souhaite faire du tourisme un pilier majeur de l'économie du pays.

Au-delà : le partage

Ce 1er juin, à Paris, on n'a pas seulement parlé restitution, mais aussi coopération, formation, échange de formation, bonnes pratiques... Tout ce qui peut être fait pour oeuvrer au partage et à la conservation des oeuvres. "Si un état membre le souhaite, nous pouvons aller plus loin, au-delà de l'échange de bonnes pratiques. Nous sommes là aussi pour accompagner," annonce Audrey Azoulay. Quant aux pays africains, ils évoquent aussi la possibilité de prêter leurs œuvres aux musées d'Europe, une fois celles-ci duement restituées.