Son grand-père était montreur d'ours. Lui est né sous un chapiteau, dans la famille du célèbre cirque Bouglione. Ce jour-là, au musée de l'Immigration, au palais de la porte Dorée, à Paris, Alexandre Romanès revient sur son histoire et évoque sa culture tsigane, non sans émotion : "Mon père est né dans une verdine, une petite caravane en bois peinte en vert pour se fondre dans les bois quand ça chauffe trop... C'est émouvant de voir un passé qui est quand même très récent. La verdine, c'est le 19ème siècle. Avant c'est la toile de tente."
"L'idée, c'est de montrer concrètement comment un photographe se présente face à son sujet et invente des stéréotypes et des cadres qui vont perdurer au-delà de l'image, qui s'imprègnent de cette idée que les tsiganes sont tous des nomades, que toutes les femmes disent la bonnaventure," explique Ilsen About, co-commissaire de l'exposition.
Roms, Tsiganes, Manouches et autres Gitans... Des gens venus d'ailleurs qui inquiètent et dérangent. D'où la volonté de les contrôler tout en les tenant à l'écart : à la fin du XIXème siècle la France instaure le fichage des Tsiganes. Alexandre Romanès se souvient : "A nous, les enfants, on disait que le 'gadjo' allait nous emporter. Vous, vous disiez à vos enfants que le gitan allait les emporter. Et nous, on avait peur de vous, c'était le gadjo qui nous faisait peur".
"Nous, on a une plus grande liberté que les sédentaires, on est pas prisonnier de toutes ces conventions, les lois et les interdits alors ça déplait à beaucoup de gens. Et ceux qui nous aiment, eux, ont compris que dans nos têtes, il n'y a pas d'encombrement, mais une grande liberté," explique Alexandre Romanès.
Une liberté qui séduit, aussi. Robert Doisneau, François Kollar, JH Lartigue et d'autres grands photographes ont pénétré ce monde à part et offert d'autres regards, distanciés du folklore, de l'exotisme associés depuis trop longtemps à l'image des Tsiganes