Deuxième femme à prendre la tête de l'UNESCO, Audrey Azoulay, 45 ans, décroche le poste de directrice générale qu'occupait la Bulgare Irina Bokova depuis 2009. Avant elle, un seul Français avait obtenu ce poste : René Maheu, en 1962.
La Française a recueilli les 30 voix nécessaires pour lui assurer la victoire devant son concurrent qatari Hamad bin Abdulaziz AL-Kawari (28 voix), avec qui la course finale était serrée.
En tout huit candidats briguaient le poste de direction, représentant la Chine, le Vietnam, l'Azerbaïdjan, l'Egypte, le Qatar, l'Irak, le Liban, et la France donc. La moitié sont des pays arabes qui n'ont jamais dirigé l'UNESCO depuis sa création.
► UNESCO : la course à la Direction générale s'annonce serrée
Promouvoir l'éducation - telle est la priorité d'Audrey Azoulay à la direction de l'UNESCO. C'est "une ambition [qui] doit être réaffirmée notamment en Afrique", défendait-elle dans sa profession de foi. Cette promotion de l'éducation doit aussi passer, selon elle, par une adaptation au numérique. Elle veut aussi promouvoir l'éducation secondaire des filles : "C'est une conviction de femme que le chemin vers la parité est un chemin de progrès pour la société toute entière", souligne-t-elle.
Elle insiste sur la protection du patrimoine matériel ou immatériel dans le monde, rôle qui incombe à l'UNESCO et qu'elle a défendu en tant que ministre (voir plus loin dans l'article). Audrey Azoulay valorise aussi "la diversité culturelle" dans l'univers numérique et dans les nouveaux médias. L'UNESCO se doit, insiste-t-elle, de toujours protéger les journalistes et de défendre la liberté d'expression.
L'environnement et la recherche scientifique : un enjeu majeur pour l'UNESCO qui pourrait "créer un lien plus étroit entre la recherche et les politiques publiques".
"La prévention des conflits doit toujours être privilégiée pour ne pas aboutir à des situations de blocage", insiste Audrey Azoulay dans son exposé, renforçant l'idée de l'UNESCO comme "organisation du dialogue entre les peuples".
L'idée de la culture comme instrument de paix figurait déjà dans son discours de ministre française de la Culture : "Investir dans la culture (…) c’est le meilleur investissement que l’on puisse faire pour la paix dans la région, pour la paix dans le monde", expliquait-elle en 2016 dans notre magazine Maghreb Orient Express lors du salon du livre francophone de Beyrouth.
Dans son exposé stratégique pour l'UNESCO, Audrey Azoulay a beaucoup insisté, en effet, sur la culture, une position cohérente avec son parcours.
Diplômée de l'Ecole nationale d'administration (ENA), de l'Institut d'études politiques de Paris (Sciences Po), Audrey Azoulay devient notamment rapporteur à la Cour des comptes et experte à la Commission européenne en culture et communication.
A partir de 2006, elle devient directrice financière, puis directrice générale déléguée du Centre National du Cinéma (CNC) qui assure un soutien financier ainsi que la promotion de l'industrie cinématographique française.
Un art qu'elle défendra ensuite en tant que ministre :
En septembre 2014, elle entre dans le cercle des conseillers du président François Hollande. Elle est nommée ensuite ministre de la Culture et de la Communication, en février 2016, à la faveur d'un remaniement ministériel et en remplacement de Fleur Pellerin.
> Le remaniement ministériel de 2016
C'est en tant que ministre qu'elle porte, avec son homologue italien, un projet de résolution devant le conseil de sécurité de l'ONU sur la protection du patrimoine culturel dans les zones de conflit. La résolution est acceptée et en mars 2017, un fonds international est créé en mars 2017 ainsi qu'un réseau de refuge pour les biens culturels menacés.
Ce fait d'arme va être la source d'un différend entre Audrey Azoulay et l'ancien ministre de la Culture socialiste Jack Lang. L'actuel président de l’Institut du monde arabe (IMA) a envoyé une lettre à la candidate le 20 avril 2017, avec copies à certains journaux comme Le Canard enchaîné et L'Opinion. Il y écrit amèrement : "L’art avec lequel vous vous accaparez le travail des autres est une sorte de petit chef-d’œuvre".
Une rancune dûe au manque de reconnaissance de la ministre pour le travail effectué par Jack Lang et son équipe sur ce dossier de la sauvegarde du patrimoine en danger. Si Audrey Azoulay ne pouvait pas compter sur le soutien de Jack Lang, elle avait celui du président de la République Emmanuel Macron qui l'a conviée à plusieurs sommets type G7 ou G20.
Ses attaches familiales, entre la France et le Maroc, l'auront peut-être également aidées. Son père, André Azoulay, est un ancien conseiller du roi du Maroc.
Le père de l'ancienne ministre française de la Culture, André Azoulay, est une figure familière du monde politique marocain, personnalité influente du palais royal.
Né en 1941 dans une famille juive berbère du Maroc, journaliste de formation, il s'oriente vers la finance, accède au poste de vice-président de la banque Paribas. Il la quitte en 1991 pour devenir conseiller du roi Hassan II, puis du roi Mohamed VI. Initialement en charge de dossiers
économiques, il en vient à jouer un rôle important dans la communication du régime.
Homme de réseaux, il a créé et dirige d'innombrables fondations. Il est à l'origine, notamment, du Printemps musical des Alizés et du Festival gnaoua d'Essaouira avec son épouse – et mère d'Audrey - Katia Brami, qui a publié différents ouvrages sur cette ville. (Par Pascal Priestley)
Jeudi 12 octobre, les Etats-Unis ont annoncé qu'ils quittaient l'UNESCO à cause de leur désaccord avec sa politique "anti-israélienne", tout en souhaitant rester observateurs. Israël a rapidement annoncé faire de même.
Les Américains ainsi que les Israéliens avaient interrompu leur financement dès 2011 alors que l'UNESCO reconnaissait la Palestine comme membre. Le retrait des Etats-Unis devrait être effectif fin 2018.
Ce rebondissement, qui intervenait alors que l'UNESCO devait se trouver un nouveau directeur général, ne va pas faciliter la tâche d'Audrey Azoulay pour assurer le budget de l'organisation.